Premières Rencontres de l'Equitation de tradition française
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Et concernant les Rencontres, avec un grand merci à Sophie qui nous fait vivre ou revivre ces grands moments sur son blog:
Les interventions sur la dimension scientifique de l’équitation de tradition française :
Sophie Biau :
http://arazzi.passion.cheval.over-blog.com/2014/10/dimension-scientifique-1-les-sauts-d-ecole.html
Le Dr Jörg Aurich:
http://arazzi.passion.cheval.over-blog.com/2014/10/dimension-scientifique-2-les-facteurs-qui-contribuent-au-stress-du-cheval-et-du-cavalier.html
Bonsoir,
Merci.
C'est moi qui suis honorée de voir mon petit blog sité ici.
J'ai rencontré certains membres de ce forum sur place à Saumur, ce qui m'a amené à venir faire un tour ici, d'ailleurs si le Mr qui était à côté de moi le premier jour est là ... je vous salue.
Je suis loin de commenter à votre niveau. Je vais donc me conter de vous lire attentivement.
Cordialement, Sophie.
a
Bernard Mathié, présent aux Rencontres m’a autorisée à publier ici les réflexions qu’il partage sur son profil « Facebook » : quatre textes dont voici les deux premiers :
RENCONTRES DE L’ÉQUITATION DE TRADITION FRANÇAISE
Revenu à Saumur après plusieurs décennies d’absence, j’ai pu constater, outre un changement des lieux, une profonde modification des mentalités. Rien d’anormal, me direz-vous ! J’ai toutefois éprouvé comme un immense malaise à entendre un certain nombre de personnes exprimer des positions en totale rupture avec les engagements pris dans le cadre de l’inscription par le Comité Intergouvernemental de Sauvegarde de l’Unesco de notre Équitation de Tradition Française sur la Liste Représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité.
Comme beaucoup d’entre nous, j’avais fait le déplacement pour témoigner de ma fierté de partager l’hommage international rendu à nos pratiques équestres traditionnelles. Ce que j’ai ressenti au tréfonds de moi-même, pendant ces deux journées des 16 et 17 octobre, c’est un sentiment profond de trahison de nos principes et de nos codes, de nos savoir-faire et de nos spécificités. J’ai même dû subir l’intrusion de chevaux germaniques parmi nos produits latins et m’entendre expliquer que nos éleveurs français sont incapables de nous délivrer des chevaux de dressage pour briller dans les compétitions sportives du moment !
Mais, pour mon bonheur, j’ai vu les prestations de Madame Lahaye et j’y ai retrouvé l’équitation d’une tradition à laquelle je m’identifie sans questionnement subsidiaire.
J’ai vu aussi les prestations hippiques d’un Cadre Noir que ma fidélité à nos grands maîtres du passé m’empêche d’applaudir. Hurler avec les loups n’a jamais fait partie de ma religion, encore bien moins en matière équestre. Non, je n’aime décidément pas la mentalité qui se dégage du discours des représentants actuels du Cadre Noir. Et j’espère de tout cœur que cette vénérable institution saura, à l’occasion d’un prochain changement, revenir à une conception moins triste de nos relations aux chevaux… français. Revoyez, Messieurs, l’affirmation des caractéristiques propres à l’équitation française clamée en son temps par le Colonel Margot !
Alors, bien entendu, la tradition ne doit pas interdire le progrès en se figeant sur des acquis immuables.
Mais est-ce un progrès que de laisser au Poney-Club de France le soin de définir les objectifs de l’équitation à l’usage des cavaliers de l’avenir ? Est-ce donc un progrès que de donner aux compétitions sportives l’absolue priorité des pratiques équestres ? Est-ce un progrès que de tolérer la grande pitié de la formation de nos enseignants équestres par le Ministère des "activités physiques et sportives" ? Est-ce un progrès que de renoncer explicitement à toute culture équestre au nom de la primauté pédagogique ? etc… etc…
À juste titre, l’Unesco nous a mis sévèrement en garde contre la pathologie de la compétition sportive. Saurons-nous entendre son message et mettre un terme à nos errements ?
© Bernard Mathié
Avec la permission de Bernard Mathié:
SYNTHÈSE DES PREMIÈRES RENCONTRES DE L'EQUITATION DE TRADITION FRANÇAISE
L’Équitation de Tradition Française a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité par une décision de l’Unesco prise en 2011. Les initiateurs de cette démarche ont dès lors contracté l’obligation de parfaire les conditions de cette inscription en s’engageant à maintenir et conserver la "viabilité effective" du patrimoine inscrit. C’est dans le cadre de cette obligation conventionnelle que la Première Rencontre de l’Equitation de Tradition Française a été organisée à Saumur les 16 et 17 octobre 2014.avec l’objectif affiché de "donner à ce patrimoine vivant tout le relief et le dynamisme nécessaires à sa transmission et diffusion".
Il s’agit là d’une première tentative de démontrer la "viabilité effective" de la démarche d’inscription. Même si l’on doit concéder qu'elle n’est pas criante de réussite, il faut convenir qu'elle a l’immense mérite de clarifier les insuffisances, de les mettre en lumière et, si l’on veut bien être optimiste, d’ouvrir, à partir de là, des perspectives d’amélioration.
Une première difficulté se trouve liée tant à la définition du contenu de l’Équitation de Tradition Française qu'à la fixation des limites de la communauté qui porte le destin de ce patrimoine : ce sont là deux exigences fondamentales de l’inscription à l’inventaire.
Au-delà, il s’agit de faire vivre effectivement toutes les composantes du patrimoine : les identifier correctement, en parfaire la documentation, déterminer les axes de recherche prioritaires, organiser la promotion et la mise en valeur, en assurer la transmission par l’éducation formelle et non formelle, enfin garantir sa revitalisation permanente.
Ce sont ces diverses tâches qui incombent à la communauté tout entière, mais d’abord à ses représentants les plus significatifs : l’une des priorités de l’action est donc bien la formalisation d’une structure représentative dont la composition devrait être articulée sous la supervision de l’Ecuyer en Chef du Cadre Noir.
Ce travail préalable devrait, selon l’auteur du présent article, être entrepris dans les mois à venir et terminé pour les prochaines Rencontres de l’Équitation de Tradition Française.
© Bernard Mathié
J’ai même dû subir l’intrusion de chevaux germaniques parmi nos produits latin
Ça interpelle et ça fait peur...
C'est un coup à déclarer la guerre à l'Allemagne ! ;-)
Plus sérieusement et sans la moindre ironie, en quoi nos SF ou ce qu'il reste de nos AA sont-ils particulièrement latins ?
Je trouve seulement aujourd'hui le temps de lire les 38 messages en attente sur ce forum qui m'est cher ... mais il fallait bien aller faire travailler des chevaux hier, et les suites du colloque sont aussi un travail nécessaire ...
L'ensemble des échanges ici me plait bien .... on ne peut pas répondre à tout le monde hélas, de même qu'on ne peut pas plaire à tout le monde ... Juste deux remarques alors : l'anti-compétition me parait une attitude illogique, personne n'est obligé d'aller faire du sport, chacun est libre d'organiser ses loisirs comme il le veut ; mais pourquoi attaquer ceux qui s'y adonnent, sous prétexte des dérives de cette compétition ( comme on en connait dans tous les sports ... ) ; puis-je confirmer ce que j'ai dit en séance le jeudi, les juges internationaux de haut niveau ne transigent pas sur les principes, mais ils voient souvent des équitations qui ne les emballent pas ... ( même si nous savons bien que les jugements actuels sont parfois criticables et que les principes classiques ne sont pas toujours respectés ) . N'oublions pas que nous vivons dans une société imparfaite et dans un monde qui évolue ...
Les images de la reprise de Margit Otto Crepin sur Corlandus étaient un très bel exemple d'équitation juste, légère et rassemblée, je suis étonné qu'on n'y ait pas plus fait référence ... la leçon de Lucien Gruss avec un cheval qui aborde piaffer passage et est réputé de caractère parfois coquin était une démonstration de tact et de délicatesse, en public, sans s'aider du mur ou de la piste, juste avec le toucher adéquat de l'écuyer à pied ... Ces deux personnalités, ainsi bien sûr que Michel Robert, dont la leçon à l'obstacle joignait décontraction, fluidité, équilibre ... et humour, sont de tels défenseurs du respect du cheval et de la légèreté que c'était un plaisir de les écouter et de les cotoyer pendant ces rencontres.
Il me semble donc qu'elles ont rempli leur objectif, de faire se "rencontrer" et échanger les passionnés que nous sommes, dans le respect des points de vue de chacun, pour aller vers des points d'accord qu'il nous faudra continuer de rechercher dans les éditions suivantes ...
Et voici les deux autres réflexions de Bernard Mathié qui collent au sujet:
ART OU SPORT, POURQUOI CHOISIR?
La querelle entre art et sport alimente depuis quelques années le discours du microcosme équestre. Les Premières Rencontres de l’Équitation de Tradition Française d’Octobre 2014 en sont une nouvelle illustration.
Je pratique l’équitation depuis 1944 ; mais ce n’est que depuis une quinzaine d’années que je me questionne pour savoir à quelle église j’appartiens, quel dogme je défends, quel catéchisme je dois réciter.
J’avais appris à monter à cheval sans avoir à choisir entre une équitation classique et une autre, sportive. Les deux allaient de soi ; nous les pratiquions comme M. Jourdain faisait de la prose et passions allègrement d’un exercice à l’épaule en dedans au franchissement d’un vertical ou d‘un oxer dont nous avions préalablement réglé hauteur et profondeur en fonction des capacités de notre monture.
J’ignorais qu'il faille, pour enfin devenir un cavalier crédible, exercer une option définitive entre tradition et modernité, qui permettrait aux grands stratèges de l’équitation actuelle de me catégoriser, une fois pour toutes, parmi la gent de cheval sportive ou parmi les rampants, tenants d’un académisme poncif qui ne comptait plus suffisamment d’adeptes pour que les éleveurs français daignent encore leur préparer des chevaux sélectionnés et spécialement fabriqués pour la discipline du dressage.
Classé sportif, je pourrais espérer un palmarès, que je brandirais alors comme dans l’ancien temps l’on présentait une carte de visite : mon interlocuteur prendrait connaissance de mes meilleurs scores et pourrait ainsi juger de ma valeur intrinsèque sans me questionner davantage. Puisque j’avais fini premier, second ou troisième dans telle ou telle épreuve, c’est que mon cursus pouvait parler à mes lieu et place et décrire l’homme admirable, sympathique, accompli et le champion inégalé, sinon inégalable, que j’étais devenu. La preuve vivante de toutes mes qualités était le nombre de sponsors disposés à s’engager à mes côtés pour que je valorise leur camelote, le nombre de média prêts à payer cher pour que je leur étale ma vie intime, le nombre d’entraîneurs prêts à se prostituer pour que je profite de leurs recettes de cuisine. Sans compter le nombre de juges disposés à écouter tout ce petit monde pour favoriser mon irrésistible ascension de nouvelle icône du sport équestre. Et moi, je me prendrai tellement au sérieux que j’en oublierai que c’est mon cheval qui aura fait tout le vrai travail, pendant que moi je profitais honteusement de sa docilité, de son enthousiasme et des efforts qu'il consentait vaillamment pour nous conduire à la victoire…
Sans rien voir venir, j’étais devenu un sportif de… haut niveau. Et je comptais bien m’agripper à mon nouveau statut.
Paris vaut bien une messe !
© Bernard Mathié
LE DILEMME MAJEUR DU CAVALIER par Bernard Mathié
En équitation, le choix le plus difficile à exercer est celui qui consiste à départager l’intérêt du cavalier pour l’art ou pour le sport. Non parce que l’art doit être opposé au sport ; mais parce que le sport est atteint, de plus en plus gravement, du cancer de la compétition ; et que cette pathologie est de nature à le brouiller définitivement avec toute visée esthétique. Sous la contrainte du résultat, la gestuelle du cavalier est déformée par l’intention prosaïque, qui est bien le contraire de "l’intention poétique" requise par l’expression artistique : tout l’effort du cavalier de compétition est dévoyé vers le moyen de contraindre le cheval à la victoire.
La plus pernicieuse des conséquences de cette dérive est le ravalement au rang de simple opportunité du principe de préservation de l’intégrité physique et mentale du cheval. Un autre effet pervers est la mutation du cheval en vulgaire outil de la victoire. Je ne veux pas dire par là que le cavalier de compétition oublie systématiquement le bien-être de sa monture, mais seulement qu'il rogne sur sa priorité dès lors que le résultat de la course est en jeu.
L’alternative qui est donc ouverte au cavalier est en réalité la suivante : ou bien il opte pour un emploi du cheval organisé autour d’un objectif de perfection esthétique et il peut, tout à loisir, conduire la relation dans le couple autour des règles conformes à l’éthique ou, du moins, à une méta-éthique conforme aux croyances rationnelles de la communauté des cavaliers ; ou bien il opte pour un emploi axé sur la valorisation du cheval ou du couple en compétition, de dressage, de saut ou autre, et alors il est, ratione materiae, fortement enclin à sacrifier l’éthique au résultat.
L’option d’art équestre n’est pas exclusive du sport ; elle ne saurait toutefois coexister avec l’esprit de compétition. Ce dernier est en effet l’âme d’un combat de tous les instants contre un adversaire extérieur, tout comme l’est le combat du soldat ou du gladiateur. C’est la "logique du vivant" que d’entrer en compétition pour survivre (le struggle for survival des anthropologues anglo-saxons) : c’est tout le sens de la lutte pour la satisfaction de l’ensemble des besoins primaires (manger, s’abriter, se reproduire…),des besoins secondaires (influences et vie sociale…) ou tertiaires (épanouissement, prestige…). Par l’affrontement guerrier, sous toutes ses formes, le concept de compétition prospère. Lorsqu’il s’installe dans la pratique sportive (qui devrait être tout le contraire de la guerre), il se nourrit de fausses justifications : la race des humains est ainsi la seule espèce animale à pratiquer la compétition sportive.
Ce concept de compétition sportive renvoie dans tous les cas à une (sur)exploitation de l’endurance physique du pratiquant. Ce qui est spécifique à la compétition sportive équestre, c’est, qu'au-delà des qualités athlétiques du cavalier, la faculté d’endurance du cheval soit, même toutes proportions gardées, mise à l’épreuve bien davantage que celle du cavalier.
Le sport atteint ses limites extrêmes là où commencent les pathologies de la compétition. La recherche d’avantages purement pécuniaires est le premier et le plus vil des accrocs à l’éthique : elle se trouve à l’origine de l’abandon du fair-play sportif ; mais aussi, plus gravement, de l’apparition de pratiques malhonnêtes, voire frauduleuses ou illégales ; mais encore de maltraitances diverses exercées contre le cheval.
Certes, il existe des compétiteurs respectueux de leurs montures. C’est moins vrai au niveau le plus élevé qu'aux niveaux inférieurs. Et, de plus, la perversion n’est pas toujours le fait des compétiteurs eux-mêmes, mais bien plutôt de leur entourage : sponsors, soigneurs, entraîneurs…, qui, tous, poussent à la victoire à tout prix, plutôt que de se résoudre à enregistrer les résultats issus d’une préparation respectueuse de l’animal. C’est dans ce contexte, où la compétition devient religion de l’ego, que l’on voit apparaître toutes les basses manœuvres et ficelles que sont certains enrênements, certains accessoires répréhensibles, certaines pratiques condamnables.
La logique de compétition, lorsqu’elle est vraiment enclenchée, ne sait plus pousser que dans le sens des abus. Toute éthique est alors brisée, sans espoir de retour.Cela est d’autant plus vrai que le rôle de mauvais joueur fictif tenu par les spectateurs des grandes kermesses équestres n’est autre que de pousser à l’excellence des prestations avec la parfaite inconscience qui caractérise toute foule et une grande mansuétude pour tous les manquements aux règles du jeu.
Ce disant, je ne fais que reprendre à mon compte les craintes émises par les auteurs, Cadre Noir de Saumur inclus, de la candidature à l’inscription au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité de 2011 : l’Équitation de Tradition Française,"c’est aussi une façon de s’affirmer face à la déviation potentiellement dangereuse d’une forme ‘d’uniformisation’ entraînée par les compétitions sportives et leurs réglementations. La seule logique de la compétition peut en effet conduire à réduire les cultures équestres à la seule mesure qui compte :la victoire, souvent ramenée à une mesure de temps ou de hauteur. L’importance de ‘l’art et la manière’ d’obtenir le résultat attirera l’attention sur d’autres valeurs que l’utilitarisme… On est donc loin d’une utilisation mercantile d’un label à de seules fins de promotion".
Si tel est vraiment le cas, dépêchons-nous donc de mettre nos rêves en conformité avec notre réalité !
Il y a véritablement urgence à ne pas nous trahir nous-mêmes, à ne pas renier la parole donnée, à revenir à une équitation hors de toute échelle de progression étrangère, à retourner au respect du cheval et à la spécificité de notre relation à lui qui fait, depuis plusieurs siècles, que l’Équitation de Tradition Française est à nulle autre pareille.
Je crois personnellement que la tradition française n’exclut pas le sport équestre ;mais qu'elle conduit la réflexion à cantonner la compétition sportive strictement en dehors de toute connotation étrangère au sport. Simple histoire de réglementation ; histoire complexe de modification des mentalités et des comportements.
© Bernard Mathié
Pour revenir aux chevaux éduqués selon la tradition française, voici ma lecture du jour :)
« C’est en Afrique du Nord qu’Etienne (Beudant) avait eu cette révélation : un bon cheval n’est pas celui qui brille sur un rectangle de dressage et ressemble à une gravure du siècle de Louis XIV. Ce n’est pas non plus celui qui est assez endurant pour galoper pendant des heures dans les montagnes ou le désert. Un bon cheval, c’est celui qui est justement les deux à la fois, un artiste et un sportif, qui s’adapte aussi bien à la verticalité de la haute école qu’à l’horizontalité des extérieurs, dont on entretient les muscles et respecte le mental : « Il se rapproche alors de l’idéal puisque, selon la volonté de son maître, il se rassemble ou bien il marche, court et saute comme l’animal en liberté. »
Extrait de « L’écuyer mirobolant » de Jérôme Garcin.