Jugement d'Oliveira
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Chers amis,
Depuis fort longtemps je m'interroge sur la phrase suivante de Nuno oliveira :
"Un écuyer Allemand contemporain de Baucher, Gustav Steinbrecht (considéré comme l'un des grands classiques par les cavaliers Allemands d'aujourd'hui) essaie de critiquer, à la fin de chaque chapitre de son livre, Baucher et sa méthode. Mais, pour un vrai connaisseur, il est aisé de comprendre que les deux maîtres disent, d'une façon différente, à peu près la même chose : se trouvant de part et d'autre du Rhin, c'était surtout une question de nationalisme...."
Or quand on analyse les principes défendus par Baucher et ceux pronés par Steinbrecht (dans le Gymnase du cheval)on note à priori des différences notables sur le fond (cheval travaillé dans son ensemble pour Steinbrecht par exemple, alors que Baucher préconise de travailler chaque partie séparément etc, etc....). D'ailleurs, en introduction du Gymnase du cheval, le Général Decarpentry fait une analyse comparative remarquable des deux méthodes, insistant précisemment sur les différences considérables entre les doctrines des deux Maîtres qui apparaissent sur bien des points comme opposées.
Dans ces conditions comment interprétez vous la phrase de Nuno Oliveira? Etait il sincère à votre avis? Dans ce cas comment peut on expliquer ce jugement pour le moins surprenant?
Amicalement,
Dominique
Cher Jean,
Merci pour cette réponse particulièrement pertinente et sensée à cette interrogation.
En fait, l'équitation de Nuno Oliveira me séduit au plus au point dans la mesure où elle traduit une légèreté exceptionnelle (chère à Baucher), tout en conservant intégralement l'activité des postérieurs et leur phase de poussée (chère à Steinbrecht). D'où ma question.
Comme vous devez le savoir cela a fait dire au Général DURAND qu'en montant un cheval de Nuno Oliveira, il eu le sentiment de monter un cheval de sport dressé à la haute école. On est donc loin de la phrase quelque peu provocante d'un célèbre Bauchériste. "Dresser c'est tuer la poussée des postérieurs".
Comme je suis passionné par l'équitation de saut d'obstacle de haut niveau et convaincu par les principes enseignés par Jean d'Orgeix (Bauchériste), mais que par ailleurs j'ai étudié profondément l'équitation Germanique (Le Gymnase du cheval de Steinbrecht)du fait de la suprématie des cavaliers d'obstacle Allemands au cours des 10 dernières années (avec Marcus Ehning qui est incontestablement le meilleur cavalier mondial), vous comprendrez facilement pourquoi cette problématique m'intéresse au plus au point.
A ce propos, j'ai appris que le grand cavalier Allemand Ludger Beerbaum avait récemment déclaré (je pense en 2008)que les deux cavaliers qui l'avaient le plus marqué était H. G. Winckler et Jean d'Orgeix. Je serais particulièrement intéressé de connaitre les circonstances dans lesquelles Ludger a fait cette déclaration et les raisons qu'il a invoquées pour arriver à cette opinion. Si quelqu'un peut m'aider je serais ravi.
Amicalement,
Dominique
Bonjour Dominique,
Vous écrivez: "On est donc loin de la phrase quelque peu provocante d'un célèbre Bauchériste. "Dresser c'est tuer la poussée des postérieurs".
C'est vrai que cette phrase de Jean-Claude Racinet est provocante et -un peu à cause de cela, mais juste un peu- mal comprise.
Il ne faut pas oublier ici qu'elle a été écrite par quelqu'un qui a fait plus que ses preuves -en son temps- en saut d'obstacle de haut niveau, lui-même et plus tard, en remettant des chevaux de pointures internationales à l'obstacle, alors qu'ils étaient complètement au refus quand on les lui avait confiés.
La provocation d'une phrase accompagne la personnalité provocante de celui qui l'a transmise. Comment? En réveillant! Le provocateur paye un prix cher pour cela: ceux qui veulent continuer à dormir le qualifieront (ainsi que ses écrits) d'"associal".
Alors comment lire ici une telle affirmation?
Ainsi: "dresser, c'est faire naître la traction des postérieurs."
N'est-ce pas aussi le Général Durand qui aurait dit: "Le CSO de haut niveau: c'est de la haute école à 60km/h!"
Dans un parcours d'obstacles, le pourcentage du travail sur le plat n'est t'il pas plus important que le reste? Et de ce fait, garant du reste?
En fait, comme vous et Jean M le faites remarquer, je pense un peu aussi que nos maîtres veulent dire à peu prés la même chose. Le problème réside dans le fait que les mots - même dans sa propre langue!!!- sont porteurs de malentendus. Et qui entend là? pas celui qui les dits ou écrits. Celui là sait ce qu'ils signifient dans la pratique. Non, ceux sont ceux qui les interprètent.
Alors, c'est pour cela que l'interprétation de la "poussée des postérieurs" à provoqué (à son tour...) de réelles catastrophes dans 1) l'enseignement et 2) la pratique sportive et (!!!) de loisir.
Et à propos de "mots porteurs"...dans une langue étrangère TRADUITE : Steinbrecht avait été traduit en francais par un cavalier bauchériste convaincu. Quelle version avez-vous lue Dominique?
Et quelle version avait lue NO?
Votre échange avec Jean M est vraiment trés intéressant.
Amicalement
Pascale
Chère Pascale,
Merci de votre réponse. Pour répondre à votre question, c’est la version du commandant Dupont que j’ai lue et je sais en effet que certains (dont JC Racinet) reprochent à cette personne d’avoir été influencée par son goût du Bauchérisme dans le cadre de sa traduction.
Personnellement, bien que mes compétences en Allemand ne me permettent pas de juger le bien fondé de cette affirmation, je n’en suis pas convaincu. Un seul exemple : le commandant utilise couramment le terme « appui » qui a lui seul traduit une conception « physique» du contact généralement reprochée à l’équitation Germanique.
A ce propos, dans le livre « Baucher cet incompris » de JC Racinet, dans le chapitre 7, ce dernier avance la thèse que le Commandant Dupont a été probablement influencé par la pensée Bauchériste et JCR s’appuie sur l’argumentation suivante :
La traduction du Commandant DUPONT est la suivante :
« Une fois seulement que, par la monte dans le mouvement en avant, on a obtenu un bon appui sur la main, que l’impulsion produite par la détente énergique des postérieurs arrive, par le chemin du dos et de l’encolure, jusqu’à la nuque et à la bouche, et que le cheval est amené à la cession de mâchoire…. »
Il poursuit en indiquant que ce même passage, dans la traduction de l’auteur américain Helen K. Gibble devient :
“Only if a secure contact has been obtained by riding forward, and the impulsion generated by the lively stepping hind legs travels through the back and neck to the poll and the mouth and caused the horse to push away from the bit…”
JCR en conclut que ces 2 traductions sont en complète opposition en soulignant que “to push away from the bit veut dire « pousser sur la main » et que donc le commandant DUPONT a été influencé par sa pensée Bauchériste.
Or, en réalité, to push away from the bit veut dire effectivement se décoller du mors et donc céder de la machoire et non pas pousser sur la main comme l’affirme JCR. Donc en fait les 2 traductions reviennent à peu près au même, c'est-à-dire que Steinbrecht parle bien de rupture d’appui ou de cession de machoire.
Je suis totalement surpris qu’un homme de cheval éminent, de surcroit vivant aux Etats-Unis, ait pu commettre un tel contre sens pour étayer sa thèse.
Concernant la poussée des postérieurs, dans ce même chapitre 7 tout à fait passionnant (comparaison entre la légèreté Bauchériste et la perméabilité Germanique), JCR nous révèle le fond de sa pensée Bauchériste.
« La combinaison de la cession de mâchoire avec une élévation progressive et raisonnable de l’encolure va littéralement verrouiller le bassin en une position fléchie, assurant un engagement constant des hanches, quelque soit la vitesse »
Il poursuit :
« Mais cette position va limiter les possibilités de mouvement en avant, parce qu’elle donne la priorité à la phase de traction des postérieurs (qui se produit tant que les pieds postérieurs restent situés sous la masse) sur la phase de poussée (qui se produit aussitôt que les pieds passent derrière la masse). »
Et il donne une précision très importante :
« Chez beaucoup de chevaux (à l’exception des chevaux ibériques), cela va réclamer une rééducation complète du processus locomoteur, qui normalement tend à utiliser de préférence la phase de « poussée », résultant d’un désengagement au moins partiel de l’arrière main. »
Autant je peux facilement concevoir qu’on puisse appliquer une telle méthode dans le cadre d’une équitation académique, autant je suis beaucoup plus perplexe pour un cheval de saut d’obstacle de haut niveau.
Peut-on concevoir un cheval au galop qui se réengagerait dès que le postérieur arriverait à la verticale, le mouvement de la bielle étant incomplet (poussée du postérieur réduite à néant), dans la perspective d’aller sauter un oxer d’1m 60 ? Est-ce que cette spécificité du Bauchérisme est vraiment adaptée à la préparation d’un cheval d’obstacle de haut niveau ?
Il est à noter que les cavaliers Germanique comme Ludger Beerbaum et Marcus Ehning, qui dominent outrageusement le saut d’obstacle international depuis 10 ans pratiquent une équitation basée indéniablement sur la poussée des postérieurs (et dans une attitude généralement basse), même si leurs chevaux sont maintenant légers et décontractés.
J’ai pour ma part une admiration sans faille pour les principes enseignés par Jean d’Orgeix (influencé par la pensée de Baucher comme chacun le sait) et je pratique quotidiennement cette équitation pour la préparation de mes chevaux d’obstacle destiné au haut niveau avec des résultats probants. D’où mes réflexions sur ce sujet (le Bauchérisme est-il adapté au saut d’obstacle de haut niveau ?).
Amitiés,
Dominique
Bonsoir toutes et tous,
La version de Steinbrecht que possédait NO est celle du commandant Dupont.
Je crois savoir que Patrice Franchet d'Espèrey et Christian Kristen von Stetten en ont entrepris une nouvelle traduction en français, reprochant à Dupont non son bauchérisme mais sa tendance à édulcorer la dureté du texte initial (dureté envers les chevaux s'entend).
Je serai curieux de comparer...
Amitiés,
Jean M
to push away from the bit, ca veux dire se "detacher, s'eloigner du mors"....
Ce qui ne me parait pas tres juste non plus....comme sensation.
C'est incroyablement complique de passer d'une langue a une autre concernant l'equitation. Il n'y a pas de vocabulaire commun pour tout et le vocabulaire existant dans chaque langue est lie a la perception culturelle de l'equitation dans chaque pays....
Il y a une chose, dans les echanges, qui me parait un peu contradictoire. Je suis loin d'avoir accompli quoi que ce soit de marquant dans le milieu du cheval, mais il me semble, par experience et tout logiquement , que l'engagement des posterieurs sous la masse et la poussee sont lies l'un a l'autre. Ou bien je n'ai pas bien compris les echanges de ce sujet...
Au ralenti, le cheval abordant l'obstable, clairement engage ses posterieurs sous la masse, donc je ne vois pas ce qu'il y a en opposition. De plus, ( j'ai fait du saut d'obstacle avant de m'interresser plus avant au dressage classique) un cheval bien dresse a l'obstacle possede une maniabilite et un fort engagement des posterieurs sous la masse, et legerete sur le mors.
Autrement, comment peut il tourner court, prendre de soudaines accelerations et devellopper suffisament de poussee de l'arriere main? ( je pense a Jappeloup donc la petite taille etait compensee par ces atouts )
A mon avis, un parcours d'obstacle de haut niveau avec un cheval bien dresse, surtout dans les epreuves chronometrees, ressemble a de la tauromachie a cheval et demande les memes abilites.
C'est chouette a voir... mais c'est de plus en plus rare.
Message édité par: Sandra Mesrine, à: 2010/01/20 19:43
Message édité par: Sandra Mesrine, à: 2010/01/20 19:57
Jean M. B. écrit:
Je crois savoir que Patrice Franchet d'Espèrey et Christian Kristen von Stetten en ont entrepris une nouvelle traduction en français, reprochant à Dupont non son bauchérisme mais sa tendance à édulcorer la dureté du texte initial (dureté envers les chevaux s'entend).
Le livre devrait voir le jour en 2011.
Bonsoir à tous et merci pour votre réponse Dominique.
Pour notre problème de traduction/interprétation:
je ne sais pas ce que veut dire en anglais (ou en américain? Xenophon Press est une maison d'édition américaine, ce qui bien sûr n'empêche pas de prendre les services d'une traductrice anglaise): "to push away from the bit".
Si je vous "tire mon chapeau": je le soulève au dessus de ma tête et je ne le tire pas avec mes deux mains, vers le bas sur mon visage. Excusez moi si cet exemple vous parait un peu idiot mais (Sandra, vous le faites remarquer) ce genre de situation de traduction n'est pas rare. Mes connaissances en anglais sont celles d'un "anglais de cuisine" et donc sûrement moins bonnes que les vôtres Dominique.
Cependant, (même livre et même chapitre)JCR écrit ceci." Aprés une longue discussion téléphonique avec Helen K. Gibble (la traductrice), j'aurais tendance à penser que c'est elle qui est dans le vrai. Je pourrais citer d'autres instances de la même contradiction entre les deux traductions,..."
et d'ajouter à la fin, à propos de la description de Steinbrecht du piaffer idéal, dans laquelle LÀ, il mentione la cession de mâchoire:
"Cependant, en ce qui concerne la description du piaffer idéal, les traductions convergent, ce qui ne laisse aucun doute sur l'existence, en cette occurence, des cessions de mâchoire."
Donc, JCR s'était t'il vraiment trompé? La traductrice ne lui en a pas fait, apparement, le reproche.
Pour le CSO et le bauchérisme, vous écrivez Dominique:
"Peut-on concevoir un cheval au galop qui se réengagerait dès que le postérieur arriverait à la verticale, le mouvement de la bielle étant incomplet (poussée du postérieur réduite à néant), dans la perspective d’aller sauter un oxer d’1m 60 ? Est-ce que cette spécificité du Bauchérisme est vraiment adaptée à la préparation d’un cheval d’obstacle de haut niveau ?"
Je cite à nouveau JCR:
il s'agît d' "établir immédiatement un équilibre dont tout le reste
va procèder"...
La traction des postérieurs prouve le rassembler. Le rassembler est -à toutes les allures- garant d'équilibre. L'équilibre est garant de la bonne exécution du mouvement demandé.
Le saut est un mouvement, un mouvement de ressort si l'on veut. La qualité de la détente ne dépend t'elle pas de la qualité du rassembler?
Sandra, ce qui est évoqué ici, par moi, est que : un postérieur peu tirer de part son engagement et pousser de part son désengagement (patte de l'autruche partant vers l'arrière, dangereux pour l'équilibre du cheval s'il ne travail QUE comme cela car son cadre s'ouvre à toutes les foulées).
Adrien, ah oui alors! Vivement 2011! Au moins pour ca!
Amicalement.
Pascale
Sandra, ce qui est évoqué ici, par moi, est que : un postérieur peu tirer de part son engagement et pousser de part son désengagement (patte de l'autruche partant vers l'arrière, dangereux pour l'équilibre du cheval s'il ne travail QUE comme cela car son cadre s'ouvre à toutes les foulées).
je pense qu'il y qu'une bonne maniere de faire,l'engagement. Donc je ne comprends pas comment on peut travailler dans un sens ou dans l'autre. Travailler en dehors de l'engagement....c'est une cheval creux, on ne peux pas travailler du tout comme cela.
il n'y a qu'une seule maniere de travailler, ce n'est pas possible de travailler autrement. Un cheval qui n'engage pas un minimum, n'avance pas.
Sandra,
L'engagement des postérieurs peut être :
— soit obtenu par le mouvement pendulaire des membres à partir de l'articulation coxo-fémorale seule
— soit ce même mouvement augmenté du basculement du bassin. Ce qui donne un engagement plus prononcé et le soutien du bout de devant. N'oublions pas non plus que cette position du bassin permet la propulsion en avant de la verticale.
Cet engagement (2e) est celui qui permet la légèreté et la mobilité de sa monture. Sur le rectangle, les canons dépassant la verticale ne sont plus engagés, d'où la nécessité d'obtenir la rotation du bassin.
Un rassembler faisant l'économie de cette rotation n'est en réalité qu'une réduction d'amplitude.
amitiés
Message édité par: BLB, à: 2010/01/21 18:56
Bonsoir toutes et tous,
On peut s'interroger en effet, surtout si on considère la phrase suivante, quelques lignes avant celle qui vous intrigue:
François Baucher eut la sagesse d'adapter les enseignements des vieux maîtres de Versailles pour utiliser ce nouveau type de cheval.
Ce qui peut nier le caractère révolutionnaire de Baucher, auquel pourtant NO vouait une admiration immense.
Mais il était de ceux qui ont un esprit synthétique beaucoup plus qu'analytique, et d'autre part - il n'y a là aucune contradiction! - rejetait les «systèmes». Decarpentry en est le parfait opposé...
Chez B. comme chez S. il ne voyait pas des chefs d'école mais de grands écuyers ayant un même objectif, et des procédés effectivement divergents. Bien sûr il n'ignorait pas l'existence des écoles mais préférait mettre en avant l'unité qu'il percevait en «vrai connaisseur».
Procédés divergents certes, mais allant dans le même sens, vers un but semblable. NO était la preuve vivante de la variabilité quasi-infinie des procédés disponibles, chaque cheval appelait un ensemble spécifique de procédés; mais certains d'entre eux sont fondamentaux dans les mains d'Oliveira, et appliqués à tous les chevaux sans exception: la mise à l'éperon (Pluvinel, Baucher), l'épaule en dedans (La Guérinière, Steinbrecht), les flexions (La Guérinière, Baucher).
Cet ouvrage s'appelle Principes Classiques de l'Art de dresser les Chevaux , il faut peut-être prendre «classique» au sérieux.
Amitiés,
Jean M