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LE COLONEL DE LADOUCETTE

7 réponses [Dernière contribution]
BOUDON Guillaume
Déconnecté
Inscrit: 17/03/2006

Le Colonel de Ladoucette est décédé au début de cette semaine. Bien des membres éminents du monde de l’équitation sont venus hier, lui rendre un dernier hommage.
Son investissement personnel pour l’équitation Classique (au sens de ‘’classée, de par sa grande valeur’’) était précisément celui de notre association : Le respect des termes de l’article 401 était , depuis longtemps, une cause à laquelle il s’était consacré jusqu’à plus de 90 ans.

Je lui dois beaucoup, et le moins que je crois pouvoir faire aujourd’hui pour lui, c’est de vous proposer de relire ou de découvrir l’article qu’il avait rédigé pour L’EPERON en décembre 1992. C’était tout lui.
(avec l’accord de X.Libbrecht) :

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L’EPERON N° 109 décembre 1992

QU’EST DEVENU LE REGLEMENT ?

« En créant en 1929 un concours de dressage international, le FEI a eu pour but de préserver l’art équestre des altérations auxquelles il peut être exposé et de le conserver dans la pureté de ses principes pour le transmettre aux générations futures des concurrents. » Article 418 du Règlement de la FEI.

Le règlement international, fruit de la réflexion de cavaliers éminents, en harmonisant toutes les traditions équestres des différentes écoles, expose les principes de cette équitation artistique. Il ne peut y avoir aucune ambiguïté sur la forme d’équitation préconisée.
L’équilibre doit être obtenu sans contraction ni tension. Le cheval se tient seul. « Il donne ainsi l’impression de se mouvoir par lui-même » Art.401. De ce fait, toute idée de force, de contrainte, résultats d’une équitation de l’avant vers l’arrière qui fige les chevaux, est à l’opposée du règlement. Sous l’œil du juge, c’est la qualité de l’attitude générale qui fait la valeur d’une reprise. L’exécution régulière d’un mouvement ne saurait justifier une note correcte si l’attitude du cheval est défectueuse. Dans les allures rassemblées, celles-ci gagnent en hauteur ce qu’elles perdent en étendue. Les articulations fléchissent, le geste s’arrondit, l’encolure s’élève librement en une courbe harmonieuse du garrot à la nuque, point le plus haut. Le chanfrein est légèrement en avant de la verticale, sauf dans les mouvements réclamant un rassembler accentué (pirouette, piaffé), où le chanfrein peut se rapprocher de la verticale.
Le cavalier garde avec la bouche du cheval un contact continu, moelleux, élastique, autrement dit sans tension ni résistance aucune. Le cheval travaille dans une décontraction totale.
Tous ces principes de base sont probablement connus de la plupart des juges. Sont-ils totalement assimilés ?
Le seul et unique devoir d’un juge est de les respecter. Ils ne sont pas dans les cabanes pour faire prévaloir leurs idées, mais pour appliquer scrupuleusement un règlement fort explicite. Un juge devant sa feuille de notes ne doit pas avoir d’idée à priori sur la valeur des concurrents. Il est là pour noter les mouvements en valeur absolue et respecter l’échelle des notes qui correspond à une appréciation qualitative du mouvement envisagé. Il doit tenir compte de l’attitude générale du cheval pendant ce mouvement. C’est de cette forme de notation que découle le classement. Les notes d’ensemble doivent être mises dans le même état d’esprit et non après un rapide calcul mental dans le but de modifier la notation finale.
Je sais parfaitement que juger dans ces conditions réclame beaucoup de métier et de connaissances que la plupart des juges -internationaux ou autres- n’ont pas, et n’auront probablement jamais, car leur soucis est ailleurs. Ceci est une autre histoire.

LE CHEVAL DOIT SE TENIR SEUL.

Il faut constamment que le juge ait présent à l’esprit les attitudes idéales que doit avoir un cheval. Elles sont malheureusement peu fréquentes et je ne saurais trop conseiller de regarder les cassettes vidéos de ceux qui ont marqué leur époque. Je veux parler en particulier de Corlandus à Bremen en 1987. C’est un enchantement. Pendant toute le reprise le cheval se tient seul, la cavalière n’y touche pas. Quel régal. Son passage, son piaffer, ses pirouettes au galop. Eblouissant. Majesté, légèreté, cadence. On a pas fait mieux depuis trente ans. Sur cette même cassette, il y a le fameux Alherich du Dr Klimke : Corlandus se tient seul, alors qu’Alherich se tient parce qu’il est tenu. Deux conceptions de l’équitation.
Mais si vous ne trouvez pas cette cassette, achetez des foulards Hermès où les chevaux de rêve du colonel Margot vous enchanteront. Corlandus, à la belle époque, aurait pu y figurer.

ETONNEMENT A FONTAINEBLEAU

Revenons sur terre et examinons les notes mises aux chevaux de tête du grand prix du dernier championnat de France à Fontainebleau. Elles sont étonnantes et ne correspondent pas à des notes mises en valeur absolue, les seules qui fassent faire des progrès aux cavaliers.
Regardez la cassette vidéo, elle existe, et amusez-vous à juger ces reprises.
A titre d’exemple, vous y verrez des chevaux galopant avec la tête à chaque battue pendant tout le travail au galop. Des chevaux cassés à la troisième vertèbre, souvent enfermés. Des contre-changements de main au galop difficiles au cours desquels un cheval s’offre même le luxe de galoper à quatre temps. Ces exemples sont pris parmi trois chevaux qui sont dans les cinq premiers du classement.
A titre indicatif, le règlement français précise la note limite à ne pas dépasser dans ce cas : 5.
La fixité de la tête est un impératif dans toutes les petites reprises : pourquoi pas au Grand Prix ?
Je pourrais continuer : attitude défectueuse au trot rassembler, encolure allongée, plongeante. Un cheval steppe, signe évident d’une contraction. Même à l’arrêt, un cheval est incapable de se tenir et plonge. Je ne parle pas du piaffer dont la valeur moyenne se situe entre 3 et 4, sauf pour un cheval, et encore suis-je généreux.

NOTER EN VALEUR ABSOLUE

Mais le grand argument est que les notes mises correspondent au jugement international. C’est exact. Mais la notation en internationaux ne se fait pas non plus en valeur absolue, contrairement à toutes les directives de la FEI. Les chevaux sont étiquetés. Les surprises sont rares et le classement reste toujours à peu près le même. C’est la seule discipline équestre qui présente une telle régularité. Il faudra mettre des notes entre 7 et 8 pour untel, plus près de 8 pour un ou deux, entre 6 et 7 pour le gros des concurrents, entre 5 et 6 pour les autres, de manière à obtenir des moyennes conformes aux résultats antérieurs. En internationaux, il n’est pas convenable de mettre une note en dessous de 5.
Tout ceci pour dire que je ne pense pas que nos chevaux de tête travaillent dans le bon sens. On les sent crispés, comme en témoignent des fouaillements de queue parfois très violents, des langues sorties, pendantes.
Tous ces signaux ne présagent rien de bon quant à l’avenir. Pourtant certains d’entre eux, l’année dernière, commençaient à travailler souples, décontractés. Ils ont peut être gagner quelques points dans les allongements. Oui, mais si c’est au détriment de la légèreté ?
Nos chevaux, probablement les meilleurs du monde, ils le prouvent sur tous les terrains d’obstacle, ne se plient pas de bonne grâce à la contrainte. Le travail enfermé les rebute, et s’il ne brise leur moral, casse à jamais leurs ressorts.
Il ne faut pas oublier que certains des chevaux du championnat ont travaillé toute leur vie suivant les principes de la doctrine française. C’est par l’avancement du tronc vers la tête que l’angle à la nuque devra peu à peu se fermer, et non le retrait de la tête sur le tronc.
On est en droit de se demander si la drogue miracle qui consiste en de trop nombreux lieux à mettre la tête du cheval dans le poitrail est une bonne solution pour nos chevaux français.
Nous terminerons par une comparaison d’école : en Allemagne, la demi-parade est une action de main brève qui s’exerce de haut en bas ; en France, le demi-arrêt s’exerce de bas en haut.
Ne renions pas nos grands ancêtres. N’allons pas chercher à l’étranger des recettes qui ne peuvent cadrer avec notre culture équestre, ni avec le tempérament de nos chevaux.

Charles de Ladoucette.
L’EPERON Décembre 1992

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21 rue du Sentier - 75002 Paris
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Aujourd’hui, je cherche, dans quel manège, il n’est encore toléré aucune transgression à:
- la culminance de la nuque de cheval, et la conservation du chanfrein en avant de la verticale,
- à l’orientation des ongles vers le haut,
- au passage systématique des coins du manège.
Je cherche qui a le courage de professer encore l’emploi des 3 effets de rênes d’oppositions, qui a encore le courage de ne tolérer aucune autre forme de mise en main que celle qui procède de l’avancée du tronc vers la tête, et de la nuque au dessus du mors , etc ?
Il va manquer.

Guillaume Boudon.

Message édité par: BOUDON, à: 2007/03/10 19:34

marie
Déconnecté
Inscrit: 17/03/2006

Bonjour,
merci pour ce joli texte.
Dommage que le Colonel de Ladoucette qui il me semble a été très longtemps un membre éminent des autorités française d'équitation ne soit pas parvenu à influencer l'équitation en France plus dans le bon sens.

MARTIN Claudine
Déconnecté
Inscrit: 17/03/2006

Bonjour à tous,

c'est bien plus qu'un joli texte, à mon sens il s'agit d'un cri d'alarme.
1992-2007 15 ans se sont écoulés...
Claudine

Claudine M

CARDE christian
Déconnecté
Inscrit: 17/03/2006

A Guillaume, Marie, Claudine et aux autres.
Il ne faut pas désespérer de la France équestre. Grâce à l'article que Guillaume a eu la bonne idée de porter à votre connaissance, vous avez noté que l'association Allege-Ideal s'inscrivait dans le droit fil du message du colonel de Ladoucette.Il faut entretenir la flamme du classicisme et de l'équitation académique telle que l'envisageait le général Decarpentry. C'est indémodable. Mieux: il est impossible d'y apporter la moindre critique et ceux qui s'y hasarderaient se couvriraient de ridicule. Je veux croire qu'un sursaut viendra tôt ou tard, et que si cela tarde, d'autres reprendront le flambeau de notre association.
Merci à Guillaume d'avoir été présent à Barbizon jeudi.

FARNAULT Philippe
Déconnecté
Inscrit: 25/07/2006

Bonjour,

J'ai lu le texte du colonel Charles de Ladoucette hier soir comme une prière avant de m'endormir… La pureté des intentions exprimées en est sûrement responsable.

Pour que cet article ne disparaisse pas dans les pages nombreuses du forum, est-ce que Allège-Ideal ne pourrait pas le sauvegarder en le mettant en exemple dans ses dossiers pour maintenir vivante l'émotion de son message? Merci sincèrement.

Message édité par: phfarnault, à: 2007/03/10 15:08

Message édité par: phfarnault, à: 2007/03/10 15:20

FARNAULT Philippe
Déconnecté
Inscrit: 25/07/2006

Re: Bonjour,

Dans le N° 109 de L'Éperon de Décembre 1992 il y a également un portrait détaillé du colonel Christian Carde, sur 2 pages…

Je sors certainement cette phrase exprimée par le colonel Carde de son contexte, mais n'est-elle pas d'actualité?
-"Mon rêve est d'amener les cavaliers à voir ce qui peut les rassembler, pour faire avancer les choses, plutôt que de céder à la tentation facile de la division."

Vous sembliez, colonel, prédestiné à prendre les rênes d'une association de cavaliers. L'effort nous appartient maintenant d'arriver à rester unis derrière vous… Nous avons un prétexte d'y parvenir au travers de cette autre phrase concernant l'ambition du Cadre Noir, dont vous étiez l'Écuyer en chef depuis 1 an:
-"Notre doctrine, c'est L'Hotte, "Calme, en avant, droit, et léger", complété par Decarpentry…".

Ph.F.

(Je mets également ce message dans le débat: "Propositions AI enseignement")

FARNAULT Philippe
Déconnecté
Inscrit: 25/07/2006

Qui n'a pas acheté la revue de L'Éperon du mois d'avril?

On y fête les 5 ans de l'association "Allège-Ideal" à la page 102…

Et surtout "Objectif perfection", pages 66 et 67, écrit par le colonel Christian Carde en souvenir du colonel de Ladoucette.

On y découvre cette dimension, nouvelle pour moi: la notion de la légèreté par les cavaliers est différente selon la discipline pratiquée; il serait intéressant d'en connaître les raisons.
La formation de base ne me paraît pas en être l'origine; l'empirisme après choix de la discipline certainement mais insuffisant comme début d'explication.

Bye.

PODER Catherine
Déconnecté
Inscrit: 17/03/2006

Bonsoir Philippe,

Nous sommes en train de remettre en route la rubrique "revue de presse" avec effet rétroactif à janvier 2007 ( votre courrier dans la tribune de l'eperon de février n'a pas été oublié:)!)et nous comptons sur tous afin de couvrir au plus large la presse équestre nationale et étrangère.

Ayant monté en CSO pendant 15 ans avant de découvrir "le monde du dressage", j'ai remarqué que nous n'abordions pas les notions suivantes avec les mêmes sensations: activité, cadence, rythme et... train!
Vais-je dans le sens de votre remarque?