"Dérives du dressage moderne"
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Mon Cher Colonel,
Une nouvelle fois, je vous remercie pour votre réponse particulièrement argumentée et que j’ai fort appréciée. Soyez persuadé qu’en aucun cas mon but était de mettre dans l’embarras quiconque et en particulier vous-même, dans la mesure où Jean d’ORGEIX, et je peux en témoigner, vous tenait en très haute estime en tant qu’homme et en tant que cavalier de très haut niveau.
Mon unique préoccupation était simplement de présenter le plus fidèlement et le plus efficacement possible ce concept de l’action indirecte qui tenait tant à Jean d’ORGEIX . J’ai en effet acquis la conviction que cette avancée technique, qui s’est je le répète révélée décisive dans mon cas, est passée pratiquement inaperçue dans le monde équestre, ce qui me paraît infiniment injuste pour Jean d’ORGEIX et dommageable pour l’ensemble des cavaliers quelque soit la discipline pratiquée.
Il est essentiel de se rappeler que Jean d’ORGEIX fut un cavalier d’obstacle doté d’un palmarès hors du commun, ainsi qu’un entraineur, héritant d’une situation désastreuse, qui a su rapidement obtenir des résultats spectaculaires concrétisés par une Médaille d’or aux Jeux Olympique. Il fut également LE théoricien de l’équitation de saut d’obstacle Française, préconisant notamment il y a plus de vingt ans le travail en mécanisation du cheval d’obstacle, technique maintenant pratiquée par tous les plus grands cavaliers d’obstacle mondiaux.
Or la discipline du saut d’obstacle de haut niveau a des impératifs spécifiques. Dans le cadre d’un parcours, le cavalier d’obstacle de Grand Prix est conduit à changer très rapidement l’équilibre de son cheval. A partir d’un cheval sur les épaules à la réception d’un obstacle, il doit rapidement obtenir un rassembler prononcé pour aborder l’obstacle suivant. Nuno Oliveira écrit d’ailleurs dans les années 80 en parlant des grands cavaliers d’obstacle de l’époque «leurs chevaux sont légers, les rênes demi-tendues, beaucoup plus en équilibre que les chevaux des épreuves de dressage». La qualité de la main a donc une importance considérable lors des reprises d’équilibre et c’est pourquoi Jean d’ORGEIX, au cours de dizaines d’années, a changé…, évolué…amélioré… observé les cavaliers de renom des différentes disciplines, pour finalement adopter cette nouvelle manière de tenir et d’agir avec les rênes dont il a la conviction qu’elle peut apporter un progrès sensible dans la qualité de base de nos cavaliers.
Les principes équestres des grands Maitres du passé étaient pensés essentiellement dans l’optique de l’équitation académique ou de manège pour laquelle, avec un cheval bien mis et monté par un cavalier surdoué, cette équitation pouvait se contenter de la souplesse et du jeu des poignets autorisés par la tenue classique des rênes. Ces grands Maîtres n’ont donc logiquement pas ressenti le besoin de procéder à l’étude approfondie des éléments d’ordre purement mécanique qui peuvent donner au cavalier (pas forcément doté d’un immense talent) la totalité de ses moyens d’expressions, et donc d’efficacité, comme l’a fait Jean d’ORGEIX.
D’autre part, aucun cavalier, aussi prestigieux puisse-t-il être, ne peut prétendre avoir atteint la perfection ou détenir la vérité absolue, dans la mesure où aucune méthode, aucune doctrine, ne doit rester éternellement figée. Aussi, il me semble personnellement important d’aborder ce sujet avec un esprit ouvert et sans à priori en analysant objectivement les arguments d’ordre mécanique avancés par Jean d’ORGEIX, plutôt que d’adopter une attitude davantage dogmatique consistant à uniquement se référer à tel ou tel écuyer prestigieux du passé. Le simple fait de travailler les mains ouvertes, tout en conservant cependant la capacité de tenir les rênes, va à l’évidence dans le sens de la décontraction. Or Nuno Oliveira affirme qu’en plus de quarante années d’enseignement, il n’a cessé de répéter aux élèves dans le monde entier : « Tâchez de plus relaxer vos mains et d’avoir un contact plus léger ». En conséquence, il apparaît indéniablement que, sur le fond, Jean d’ORGEIX est parfaitement en phase avec Nuno Oliveira et qu’il mène le même combat, même si il diffère sur la forme quant à la manière de tenir ses rênes.
Concernant les grands Maîtres du passé, les « classiques », Jean d’ORGEIX les admirait profondément. Il les a d’ailleurs maintes fois cités en exemple quant à leur position à cheval et à leur faculté de travailler en légèreté. C’est en fait l’équitation officielle inspirée du Daurisme et ceux qui s’en inspiraient qu’il brocardait car cette équitation s’opposait totalement aux principes de légèreté de Baucher si chers à Jean d’ORGEIX. Il s’est plus récemment attaqué aux aimables technocrates, sans aucune carte de visite équestre, qui rédigeaient les manuels officiels de la Fédération, ces manuels officiels contenant des absurdités ahurissantes quant à la technique équestre préconisée. Je vous recommande vivement le DVD « l’exemple des GRANDS cavaliers » dans lequel Jean d’ORGEIX met en parallèle les conseils totalement farfelus prodigués par ces technocrates dans le manuel officiel, et l’équitation pratiquée par les grands Maîtres du passé et les grands cavaliers actuels. Le pire, c’est que 10 ou 15 ans plus tard, à ma grande surprise, ces mêmes hérésies surréalistes figurent toujours dans le manuel officiel de la Fédération.
Concernant la fixité de la main quand le cheval résiste, ce concept ne me pose personnellement pas problème dans le cadre d’une équitation de légèreté. En revanche, les deux thèmes de réflexion suivants susciteraient mon vif intérêt : les principes Bauchéristes sont-ils applicables dans le cadre du dressage d’un cheval d’obstacle destiné aux épreuves de haut niveau ? Quels sont les aspects « Steinbrechtisant » de l’équitation de Nuno Oliveira, c'est-à-dire l’influence de l’équitation germanique classique sur son équitation ?
Pour terminer, je voudrais apporter une petite précision concernant les derniers ouvrages de Jean d’ORGEIX. L’ouvrage « Les mains et autres non dits de l’équitation », dans lequel il explique notamment le principe de l’action indirecte, est son avant dernier ouvrage. Les éditions Belin ont ensuite publié un an plus tard l’ouvrage « Dresser c’est simple » que Jean d’ORGEIX considérait comme « le » livre de sa vie équestre et dont il disait : « Si dans 50 ans l’on doit se souvenir de moi dans le monde équestre, tout ce que je souhaite que l’on retienne est écrit dans ce livre ». Ce livre ne concerne en rien le saut d’obstacle, mais traite des principes fondamentaux concernant d’éducation du cheval sur le plat. Ces deux ouvrages ne quittent pas mon bureau, tout comme les œuvres complètes de Nuno Oliveira et Le gymnase de cheval de Gustav Steinbrecht.
Bien amicalement,
Dominique
Cher Dominique Durand,
Si j’ai tardé à vous répondre ce n’est pas parce que votre dernière intervention m’a laissé indifférent, ni parce qu’elle m’a embarrassé. J’apprécie, au contraire, tant le contenu précis et argumenté de vos textes que la courtoisie du ton que vous employez. Mais je suis actuellement occupé (et préoccupé !) par les dérives du Dressage au plus haut niveau et les conséquences de ces dérives sur la pratique des cavaliers qui se tournent vers cette discipline.
Je comprends tout à fait votre frustration lorsque vous regrettez que certaines avancées importantes de JO n’aient pas retenu l’attention des décideurs actuels. Le drame c’est que l’équitation actuelle est à la dérive et, qu’à ma connaissance, aucune personnalité responsable n’a envie de faire le ménage. A telle enseigne que j’ai écrit au rédacteur en chef de l’Eperon il y a déjà un moment pour lui faire observer que lorsqu’il parle de l’Equitation Française dans ses éditoriaux il ferait mieux de parler de l’équitation pratiquée en France, car celle-ci n’a plus grand-chose à voir avec celle-là. Et ce n’est pas notre fédération, je le crains, qui prendra l’initiative de s’attaquer au sujet. Comme en politique c’est de la presse que viendra le coup d’envoi.
Vous avez bien raison de dire qu’aucun grand cavalier ne détient la vérité absolue, pas plus JO qu’Oliveira, Baucher ou les autres. Les grands cavaliers nous inspirent dans cette recherche individuelle vers l’inaccessible vérité équestre. Mais je suis prêt à les mettre tous en contradiction, tous. Car si les uns sont partisans de ceci, ils ne s’accordent plus sur cela. Or est-ce bien grave s’ils nous ont fait avancer sur ce difficile chemin ?
La relation d’Oliveira avec Steinbrecht, je ne la connais pas vraiment. Pour m’être renseigné auprès de personnes qui ont côtoyé le maître plus longtemps que moi, il semblerait que « Le Gymnase du Cheval » l’ait fortement marqué. Sans doute l’épaule devant et sa suite l’épaule en dedans, mais aussi le Pas-Piaffer qui amène le cheval à prendre de lui-même cet air quand le rassembler s’accentue, ce qui est excellent.
Je ne résiste pas à une malicieuse tout autant qu’amicale remarque qui vient à l’appoint des contradictions évoquées plus haut : j’ai toujours vu Oliveira travailler ses chevaux dans leur ensemble, ce qui est une germanique manière, mais je l’ai entendu dire qu’il était admiratif du Bauchérisme…lequel travaille les chevaux dans leurs différentes parties et qui est vivement condamné par Steinbrecht.
Pour ce qui est de l’utilité des principes du Bauchérisme dans la préparation des chevaux d’obstacle de haut niveau, je pense qu’ils doivent être bons puisque l’ami Jean était, me semble-t-il, un farouche partisan de ce maître.
Bien amicalement.
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Cher Cunningham,
Le changement de longueur de rênes pour adapter cette longueur en fonction du mouvement réalisé permet au cavalier de toujours "travailler dans son volume". C'est à dire devant lui, parfaitement décontracté et à l'aise. C'est un des piliers de l'enseignement de Jean d'ORGEIX. Il recommande en permanence de tenir le flot des rênes, ceci afin à tous moments de pouvoir tenir d'une seule main les 2 rênes et de pouvoir à loisir raccourcir ou rallonger l'une d'entre elles.
Pour Jean d'ORGEIX, il ne faut pas bouger les mains pour s'adapter au mouvement désiré, mais conserver les mains dans leur volume de travail idéal, devant le cavalier, et changer la longueur des rênes en permanence.
Bien amicalement,
Dominique