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Juillet 2002 - Premier éditorial - Maurice Druon


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       Editorial de Juillet 2002     
Le premier éditorial de l'association Allege-Ideal
écrit par Maurice Druon de l'Académie française.

Autant que mon serviteur, mon cheval est mon ami. J'attends de lui des services; mais mon agrément à le monter n'est complet que s'il y a entre nous entente, confiance et échange d'amitié.
Alors qu'on avait pu croire que le cheval, remplacé par les moyens mécaniques pour le transport et le trait, allait disparaître de notre univers, la jeunesse de notre temps est de plus en plus attirée par l'équitation. Nous devons nous en réjouir, pour le bien qu'elle en retire et en retirera. Il n'est pas inutile de souligner que c'est là le seul sport où l'homme a pour partenaire un représentant de l'ordre animal. Je dis bien partenaire, et non adversaire. L'équitation est par là un lien physique et mental avec la nature, et une merveilleuse école du caractère.

Je ne considère que mon cheval est bien mis que lorsqu'il a envie de me faire plaisir. Cette définition paraîtra peut-être étrange à certains. Mais mon expérience de vieux cavalier me permet d'affirmer qu'un cheval, s'il a été bien dressé et s'il est aimé, paye de retour celui qui le monte et cherche à lui complaire.
Le chien n'est pas seul à aimer l'homme et à vouloir l'aider; le cheval aussi, d'autre manière, moins apparente et qu'il faut deviner et encourager.
Je tiens qu'un cheval peut avoir envie de se présenter en belle attitude, goûter la promenade comme un plaisir, contracter la passion du saut d'obstacle; et j'ai même connu des chevaux qui avaient pris le sens de la chasse à courre et qui, véritablement chassaient avec vous. Mais cette collaboration, cette entente, cette complicité, si satisfaisantes, ne s'obtiennent ni par la crainte ni par la contrainte. Le maître-mot du dressage est légèreté.
La bouche du cheval est un tissu fragile et sensible. Tenue par une main dure, elle se durcira, alors qu'à une main légère elle répondra aux plus fines indications. La qualité du cavalier ne se mesure pas à la longueur des éperons, mais au dialogue muet qui s'établit entre la jambe de l'homme et le flanc de sa monture. Et le cheval deviendra lui-même léger.
Légèreté n'a jamais voulu dire faiblesse ou mollesse.
Légèreté implique intelligence, vigilance, élégance.
La légèreté est la marque séculaire de l'école française, et qui lui a assuré ses succès et sa gloire.
La légèreté ne vaut pas seulement pour les concours de dressage et pour les superbes évolutions du Cadre Noir. Elle vaut à tous les niveaux de l'équitation et, alors que celle-ci connaît une croissante démocratisation, elle vaut pour la formation des instructeurs, en tous centres et clubs qui se multiplient.

Je ne saurais donc trop me réjouir qu'une association, conduite par des cavaliers du plus haut prestige, se soit constituée aux fins de maintenir et promouvoir cette grande et bénéfique tradition.
Et je tiens à honneur d'avoir été invité à prononcer, sur le berceau d'Allège-Ideal ces quelques paroles baptismales.

Maurice Druon
de l'Académie française.

 

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