Auteurs : C. Briant (Ifce/Inra) et N. Genoux (Ifce)
Septembre 2018
Quel cavalier ne s’est jamais entendu dire « Pauvre bête… Laissez-le donc tranquille au pré, il sera bien mieux ! ». Le bien-être du cheval au travail, un oxymore ? Une notion difficile à évaluer en tout cas. Comment voir que quelque chose ne va pas ou, à l’inverse, que le cheval semble à l’aise et motivé ? Des questions auxquelles cette fiche tente de répondre.
Rappels sur le bien-être
Le bien-être est défini comme un « état mental et physique positif de l’animal lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal » (ANSES, 2018).
Le bien-être du cheval au travail est indissociable du bien-être du cheval hors travail. La satisfaction des besoins fondamentaux (alimentation à base de fourrages, possibilité de relations sociales et d’exercice en liberté) ainsi qu’une bonne relation avec l’homme sont des préalables essentiels. Ainsi, la mise en évidence d’indicateurs de mal-être au travail peut révéler des problèmes liés à l’environnement du cheval et non pas au travail lui-même.
On connaît aujourd’hui un certain nombre d’indicateurs de bien-être du cheval au travail, mais contrairement au cheval au repos, il n’existe pas encore de protocole d’évaluation qui intègre ces indicateurs. Si l’on se réfère à la grille « 4 grands principes du bien-être, 12 critères », la plupart de ces indicateurs sont relatifs à des critères comportementaux (possibilité d’expression de comportements de l’espèce, bonne relation homme-animal, état émotionnel positif) mais certains sont aussi en lien avec la santé (absence de blessures/maladies/douleurs causées par l’utilisation).
La plupart de ces indicateurs sont des révélateurs de mal-être en cas de frustration, peur/stress, évitement, inconfort, douleur… On cherchera donc plutôt à identifier l’absence d’indicateurs de mal-être, et quelques indicateurs d’émotions positives, avant, pendant et après le travail. Dans la plupart des cas, l’observation seule du cheval permet de les mettre en évidence. Les nouveaux outils connectés disponibles sur le marché peuvent apporter un complément utile.
Indicateurs liés à la santé
Qualité de la locomotionToute modification de la locomotion est indicatrice de douleur ou d’inconfort : irrégularité dans les allures, réticence à se déplacer ou motivation à avancer, raideur, difficulté d’incurvation, changement ou variation d’allure non demandé... Il est donc important de savoir reconnaître les boiteries :
- Boiterie antérieure
- Boiterie postérieure
Les outils embarqués pour l'analyse des séances de travail (mesure du temps passé à chaque main, de la symétrie des allures, de la cadence, du rebond…) peuvent aider à mettre en évidence ces irrégularités.
Absence de blessures
A l’issue de la séance de travail, on vérifiera l’absence de blessures ou zones enflées, notamment au niveau des zones de frottementde la selle, du filet, du mors, des équipements divers (guêtres…) ou des zones sollicitées par le travail (liste non exhaustive) :- Sous la selle,
- Commissure des lèvres,
- Au niveau de la muserolle,
- Membres,
- Zone d’action de l’éperon.
Indicateurs comportementaux
Ils sont présentés du plus général (attitude du corps entier) au plus subtil (mouvements de queue, de tête…).
Comportements associés à un état de mal-être général
Les comportements liés à un stress sont à différencier des comportements conflictuels. Il s’agit de signaux d’alerte facilement reconnaissables :- Agitation, ↗ locomotion et/ou hyperréactivité ;
- ↗ postures d’alerte : contraction, encolure relevée, oreilles dressées, œil grand ouvert avec blanc de l’œil visible et naseaux dilatés… ;
- Sudation ;
- ↗ défécations ;
- ↗ vocalisations : hennissements, ronflements, souffles.
Exemple : Une étude sur les méthodes de débourrage a montré qu’un débourrage plus doux et progressif (avec travail en main, désensibilisation…) diminue les réactions de stress, peur et/ou inconfort par rapport à la méthode classique (filet, longe, longe avec selle, monté longé puis monté libre).
L’agressivité peut être observable avant, pendant et après la séance de travail. Elle se traduit par des mouvements de tête oreilles en arrière et/ou bouche ouverte (menaces de morsure) et des postérieurs (coups de pied). Elle peut témoigner d’un mal-être lié à la gestion du cheval (nourriture, hébergement…). Observée lors du pansage ou du harnachement, elle peut témoigner d’une douleur(souvent associée à des douleurs dorsales), d’un apprentissage défectueux (chevaux qui mordent au sanglage) ou d’une mauvaise relation à l’homme hors ou pendant le travail.
Exemple : défenses lors du pansage associées à un pansage non optimisé
L’apathie peut être associée à la gestion du cheval ou à une charge de travail inadaptée ou trop importante.
Défenses importantes
Les défenses peuvent s’exprimer de différentes façons : encensement, refus d’avancer, jeté de postérieurs ou blocage lors d’un départ au galop, cheval qui se cabre, ruades, demi-tours, accélérations… Différents facteurs peuvent en être à l’origine : douleur, peur, comportements involontairement appris, incompréhension des demandes du cavalier, modes de gestion des chevaux…
Exemple : Une étude a montré que des chevaux sortant en liberté 2h/jour présentent moins de défenses au travail, sont plus motivés et apprennent plus vite que des chevaux lâchés en liberté seulement 2h/semaine. Dans un autre registre, des poulains hébergés individuellement seraient plus compliqués au débourrage que des poulains élevés en groupe au pré.
Exemple : Une étude a montré que des chevaux sortant en liberté 2h/jour présentent moins de défenses au travail, sont plus motivés et apprennent plus vite que des chevaux lâchés en liberté seulement 2h/semaine. Dans un autre registre, des poulains hébergés individuellement seraient plus compliqués au débourrage que des poulains élevés en groupe au pré.
Gêne respiratoire
Si elle n’est pas due à un problème de santé (ne pas hésiter à consulter son vétérinaire,) elle peut être consécutive à un travail mal adapté.
Exemple : Entre autres effets néfastes, le travail en hyperflexion peut entraîner une compression du larynx et conduire à une gêne respiratoire pendant l’effort physique, gêne source de mal-être et de contre-performance puisque les muscles ne seront pas assez oxygénés.
Positions et mouvements de tête et d'encolure
Avant le travail
Au moment où on lui met le filet (bride/bridon), le cheval peut donner des coups de tête, lever la tête…Exemple : comportement observé sur des chevaux ayant l’habitude d’être monté avec le chanfrein à l’arrière de la verticale, en position haute ou basse, ou avec une encolure renverséePendant le travail
Différents mouvements de tête et d’encolure peuvent exprimer un certain mal-être lors du travail monté :- L’encensement (hochements de tête rapides et réguliers du haut vers le bas)
Exemple : comportement observé lorsque le cheval est gêné par une dent de loup - Un basculement de tête et d’encolure (attitude renversée)
Exemple : comportement observé lorsque la tension sur les rênes est trop forte ou que le matériel (filet et/ou mors) est mal réglé/inadapté - Des mouvements de tête
Exemple : comportement observé lorsque le cheval est monté avec le chanfrein en arrière de la verticale et position haute
Après le travail
Au retrait du filet, on peut observer des mouvements brutaux de l’encolure et de la tête, des étirements de l’encolure, des chevaux qui arrachent le mors.Exemple : comportement observé avec des chevaux montés dans une attitude renversée
Comportements oraux
Pendant le travail
- Ouverture de bouche et/ou sortie de langue
Exemples : dent de loup, travail monté en hyperflexion ou avec le chanfrein en arrière de la verticale, tension trop forte dans les rênes (main du cavalier trop dure), mors sévère et/ou douleurs dorsales - Grincements de dents
Exemples : dent de loup, agacement, douleurs dorsales - Appui sur le mors (cheval lourd sur la main)
Exemple : dent de loup - Mouvements des lèvres
- Salivation excessive
Au retrait du filet
- Bâillements, mâchonnements, léchages et déglutition
La muserolle doit normalement être serrée de manière à permettre le passage de deux doigts. Un serrage trop important est source d’inconfort et peut avoir des effets néfastes sur le cheval (pression, gêne respiratoire…).
Expressions faciales, oreilles en arrière
Exemple : Un cheval monté avec le chanfrein en arrière de la verticale, avec une main trop dure, présentant une dent de loup ou des douleurs (notamment dorsales), manifestera son inconfort en couchant les oreilles en arrière.
D’autres expressions faciales peuvent révéler de la douleur, notamment la contraction des masseters/du menton, la dilatation des naseaux...
Fouaillements de queue
La question des fouaillements de queue au travail (surtout en dressage) est controversée. Dans certains cas ils peuvent traduire un inconfort ou une douleur.
Exemples : observé lors d'un travail monté en hyperflexion, avec le chanfrein en arrière de la verticale, dans une attitude renversée et lors de présence d'une dent de loup
Dans d’autres cas, les mouvements de queue (sur le côté, en rythme avec l'allure) peuvent aussi être un signe de concentration et de relâchement musculaire pendant un effort important.
On peut observer l’attitude générale du cheval et les autres indicateurs pour se faire une opinion : a-t-il les oreilles en arrière, des yeux grands ouverts avec le blanc de l’œil visible, la bouche ouverte et/ou une attitude contractée ? Ou au contraire un œil apaisé, une bouche et une attitude décontractée et des allures déliées ?
Exemples : observé lors d'un travail monté en hyperflexion, avec le chanfrein en arrière de la verticale, dans une attitude renversée et lors de présence d'une dent de loup
Dans d’autres cas, les mouvements de queue (sur le côté, en rythme avec l'allure) peuvent aussi être un signe de concentration et de relâchement musculaire pendant un effort important.
On peut observer l’attitude générale du cheval et les autres indicateurs pour se faire une opinion : a-t-il les oreilles en arrière, des yeux grands ouverts avec le blanc de l’œil visible, la bouche ouverte et/ou une attitude contractée ? Ou au contraire un œil apaisé, une bouche et une attitude décontractée et des allures déliées ?
Indicateurs d'états émotionnels positifs
- Pansage optimisé : yeux mi-clos, lèvre supérieure avancée avec oreilles légèrement en arrière, étirements ;
- Attention envers entraîneur : incitation de contact et contact (tentatives de grooming).
Quelques indicateurs physiologiques
Certains sont utilisés couramment dans d’autres disciplines (constantes cardiaques), d’autres sont encore réservés au domaine expérimental :
- Constantes cardiaques : ↗ fréquence cardiaque et ↘ variabilité du rythme cardiaque si stress, activité physique, travail en hyperflexion ou muserolle trop serrée ;
- Température à la surface du corps (œil/peau, par thermographie IR) : ↗ si stress ou muserolle trop serrée (compression du chanfrein) lors d’une activité physique ;
- Taux de cortisol : ↗ si stress, activité physique ou travail en hyperflexion ;
- Electromyographie de surface : ↗ activité musculaire dans le muscle brachio-céphalique pendant une hyperflexion ;
- Electroencéphalogramme : mesures des ondes cérébrales sur cheval éveillé et en mouvement → perspectives pour évaluer l’attention, l’éveil, les émotions au travail.
Outils connectés
Ils sont en lien avec le bien-être car ils permettent de suivre l’évolution de la performance du cheval :
- Cardiofréquencemètre : fréquence cardiaque, vitesse, distance parcourue… ;
- Les outils embarqués pour l'analyse des séances de travail : temps passé à chaque main, symétrie des allures, cadence, rebond, nombre de pas, distance parcourue, vitesse, dénivelé ;
- En cours de développement : mesures des interactions cheval/cavalier avec capteurs de pression embarqués (sous la selle, au niveau des étriers, tension des rênes…).
Ce qu'il faut retenir
1 indicateur de mal-être peut avoir plusieurs causes.
1 seule cause peut être révélée par plusieurs indicateurs.
Observer son cheval et rester objectif face à ses comportements (ne pas être dans le déni, refuser de voir quelque chose d’évident même s’il faut se remettre en question). Etre attentif et se questionner sur tout comportement/changement inhabituel. Résoudre un problème, c’est avant tout en prendre conscience, l’accepter puis en chercher les causes !