Voici la version finale de l'article sur le travail bas et rond, tel qu'il a été modifié après avis des membres de la commission "enseignants" d' Allege Ideal. Il s'agissait au départ d'informer une jeune cavalière sur ce type d'orientation, et de la mettre en garde sur les dangers et les limites de ces attitudes .
Comme l'a dit Guillaume Antoine dans nos échanges à ce sujet :" Cet article sur le travail bas et rond trouve, dans les propos du regretté Jean-Marie Donard une belle résonance. Ne préconisait il pas de mobiliser l’encolure majoritairement dans le plan vertical , faisant passer le cheval d’une attitude étendue et ouverte à une attitude soutenue (et toujours ouverte) avant de demander une fermeture progressive de l’angle tête encolure ? Aucun rapport avec ces attitudes outrées et forcées qui ont fini par être érigées en vérités premières alors que les sciences de la biomécanique et de la psychologie sont capables de nous apporter les preuves formelles de leur nocivité.
Pour alerter une élève sur les dangers du travail "bas et rond" j’ai essayé de lui donner quelques éléments de réponse à ses questions : d'où cela vient il ? de quelle manière étaient travaillés les chevaux de dressage avant ?
Dans l'histoire du dressage, les anciens cherchaient simplement un contact agréable et un cheval maniable. C'est au 19eme siècle que sont venus d'une part des éléments scientifiques sur le fonctionnement du cheval, et des recherches sur les moyens de mieux le dresser pour mieux le contrôler. Baucher a été novateur sur ce point en montrant l'importance de l'attitude du bout de devant et du contrôle de la nuque et de la mâchoire pour agir sur l'ensemble du cheval. La tradition française a intégré ces procédés de dressage, en insistant sur une condition : avoir le cheval dans l'impulsion. [ Cf les écrits du Gal L'Hotte ]. Le règlement FEI de dressage reste dans cet esprit et ne transige pas sur l'attitude juste. C'est avec le développement d’un élevage orienté vers la recherche de grandes allures pour le rectangle que certains dresseurs sont revenus depuis les années 1960 vers des procédés de flexions marquées pour mieux contrôler ces grandes mécaniques.
Les entraîneurs et cavaliers expérimentés qui les utilisaient avaient de bons principes de base et restaient discrets. Les juges en compétition étaient toujours clairs, et le sont toujours, sur le fait que ces attitudes et ces flexions n'y sont pas acceptées. C'est seulement dans les années 2000 qu'un entraîneur hollandais essaya de faire reconnaître une méthode à partir de ces techniques. Il bénéficiait du fait que sa compagne était une grande cavalière avec beaucoup de sentiment et un réel amour des chevaux. Mis entre les mains de cavaliers peu confirmés, ces procédés peuvent facilement devenir une torture et un vrai casse-chevaux. Les grands dresseurs disent, eux, qu'ils n'en ont pas besoin ... Devant les nombreuses réactions contre ces flexions outrées, et la polémique qui s’en suivait, la FEI a renforcé le rôle des commissaires, et édicté des règles strictes pour éviter les excès en concours. Mais le travail bas et rond (qui est une attitude dans laquelle il peut être utile de mettre les chevaux – et qui n’a rien à voir avec les excès de la méthode d’enfermement appelée roll-kur) reste bien sûr autorisé.
Il consiste à étendre et baisser l’encolure du cheval, en particulier en début de séance, pour le relaxer tout en gardant le contrôle. Le bout du nez avance, l’articulation atlas-axis ( 1ère et 2ème cervicales) s’ouvre, la nuque descend, tout ceci en gardant surtout l’activité, la cadence et le rythme de l’allure, ce que l’on sent ou que l’on voit à la liberté des épaules et au maintien de l’équilibre. La condition sine qua non pour que le cheval « bas et rond » fonctionne juste est effectivement qu’il reste dans l’impulsion, c’est à dire que le cavalier ait le sentiment que le cheval est bien « devant » ses jambes, réactif à leur moindre demande. Ainsi il reste physiquement « rond » c’est à dire tonique et souple dans son dessus et son encolure, et en même temps moralement « rond » c’est à dire décontracté et fluide dans sa locomotion car en confiance avec son cavalier. Dans ce contexte, l’attitude recherchée est spécialement utile pour débuter une séance de travail, quel qu’en soit l’objectif, et aussi pour la terminer en un retour au calme et une récupération active. C'est en effet un moyen pour relaxer la tension du dos sans perdre le contrôle les grandes mécaniques dont nous parlions plus haut …
Cela dit, pour en revenir aux excès de la rollkur et aux limites du travail bas et rond érigé en principe, il faut dire que les meilleurs cavaliers, écuyers et dresseurs n’ont jamais eu besoin de chercher dans leur « boîte à outils » de tels procédés, puisque le sentiment de l’impulsion, d’un cheval souple travaillant avec son dos, et qui se porte de lui-même, leur suffit pour avoir des chevaux justes et non contractés ! La modification d’attitude avec un cheval qui se déplie longitudinalement sans perdre de propulsion ni d’équilibre en est une preuve. Quant au travail de deux pistes et à ses variantes aux trois allures, son aisance montre la souplesse latérale du cheval. Point n’est besoin de lui plier excessivement l’encolure pour cela, au contraire, car cela risque de nuire à l’expression des allures ou, à plus haut niveau, du rassembler …
Aujourd’hui, le travail bas et rond est admis et souvent recommandé, car c’est une technique de « stretching » reconnue. Et tous les sports ont besoin de ces étirements pour que l’athlète (y compris l’athlète cheval) conserve sa souplesse et reste en bonne santé. Le but recherché est de relaxer les groupes de muscles de tout le corps du cheval, en particulier ceux impliqués dans la locomotion, c’est à dire ceux du dos et des postérieurs. Mais la partie la plus visible et la plus facile à étirer étant l’encolure, comme résultante du fonctionnement de l’ensemble, c’est sur elle que reposent ces procédés de « stretching »et les attitudes correspondantes, telles que dessinées dans le règlement FEI.
DESSINS 1 loin, bas et rond – 2 bas et rond – 3 loin et bas
L’attitude bas et rond et ses variantes, de préférence celle où la nuque est dépliée, est meilleure que celle du cheval creux et la tête en l’air. Mais la systématisation de cette orientation vers le bas est à éviter, car elle peut amener à un équilibre sur les épaules, ou à une moindre activité des postérieurs. Il faut savoir aussi qu’obtenue avec des rênes latérales coulissantes, cette attitude empêche le fonctionnement des muscles releveurs de la base de l’encolure qui permettront ensuite le rassembler. N’oublions pas qu’il ne peut y avoir de rassembler sans relèvement de l’encolure, ce qui s’entend comme un soutien de la base d’encolure, accompagné de la sensation que le cheval monte son garrot, et une encolure qui se redresse sans contraction de la nuque ni résistances ou agitation de la bouche. Ce relèvement du bout de devant n’est valable qu’avec en même temps la capacité du cheval de se déplier, qui garantit sa souplesse longitudinale et le bon fonctionnement de toute sa ligne du dessus.
Par ailleurs, il est nécessaire de tenir compte de la conformation naturelle du cheval, spécialement dans certaines races de chevaux ou de poneys, ou dans le cas des étalons, pour évaluer si l’étirement souhaité est ou non réalisé. La possibilité de les mettre « loin » c’est à dire de leur permettre d’avancer le bout du nez, ce qui implique d’allonger les rênes et d’avancer les mains, est indispensable pour vérifier leur équilibre et leur souplesse. C’est ainsi que se vérifie la justesse du fonctionnement du cheval, par sa capacité à conserver sa locomotion dans l’attitude dépliée.
PHOTOS 1 arabe – 2 selle français – 3 lusitanien – 4 westphalien
En conclusion, les attitudes dont nous parlons sont utiles voire nécessaires à intégrer dans le travail sur le plat du cheval, quelle qu’en soit la finalité. Leur emploi n’a de valeur que si le cheval n’est pas bloqué par la main, peut avancer le nez et ouvrir l’angle tête-encolure. Leur usage implique d’avoir compris qu’il s’agit de la résultante de l’ensemble du fonctionnement du cheval et non pas de mettre la tête ou l’encolure dans une certaine position et de l’y maintenir. De même que les étirements sont partie intégrante de toute gymnastique, et la notion de flexion-extension indispensable à l’action musculaire, de même une attitude dépliée est harmonieuse et témoigne d’un cheval mentalement disponible et physiquement équilibré, donc « moralement rond ».
L’objectif d’un cheval relaxé et tonique, et d’une recherche de rondeur est le principe, mais les méthodes sont variables et l’échelle de progression FEI en résume les étapes essentielles. Ensuite les modes de travail sont adaptés par chacun en fonction de son niveau, de ses aptitudes personnelles et de son tempérament, et surtout du fonctionnement et des qualités physiques et morales de son cheval. Sachant que « tant vaut l’homme, tant vaut le moyen » ... !
B M 21/08/2017