Réactions sur les Jeux Olympiques

Posted Wed, 05/11/2008 - 09:48

Les articles complets sur les Jeux Olympiques parus dans les magazines d'octobre 2008 écrits par le Colonel Carde (L'Eperon) et Michel Henriquet (Cheval Magazine).

L’EPERON Oct 2008, « Tribune », page 9 Par le colonel Christian Carde     Le jugement toujours en question   Aux Jeux Olympiques, l’affaire Satchmo a nourri de nombreux commentaires, aussi enflammés que discordants. Méritait-il les notes et la victoire obtenues dans le Grand Prix Spécial ainsi qu’une enviable 2ème place dans la reprise Libre, et ceci malgré une défense caractérisée dans chacune de ces épreuves ? En fait l’incident pose, une fois encore, l’importante question du jugement dans la compétition de dressage et, en amont des épreuves, celle de la façon dont on prépare les chevaux. L’incident Satchmo en est un intéressant révélateur. Brave type, il avait prévenu dans le Grand Prix en ruant à la botte lors d’un piaffer. Dans le premier piaffer du Spécial, commencé trois mètres avant l’emplacement prévu… il rétive, recule, manque de sortir de la piste, et gagne l’épreuve ! Voilà quand même un fait nouveau qui n’est pas glorieux pour la discipline. Car si ce bel animal avait été monté par une noble inconnue, il aurait obtenu des notes différentes. Ainsi le piaffer aurait été gratifié de la note 0 ou 1, la transition de la note 0 puisqu’elle n’a pas été exécutée. La défense aurait sérieusement grevé les notes d’ensemble. Ainsi, la note de soumission ne serait pas montée au-dessus de 5, ce qui est quand même équivalent à « suffisant », et la note d’impulsion liée étroitement à celle de la soumission aurait également souffert. Et celle de la cavalière aussi. Vous voilà bien dur, penseront certains estimant que le reste de la reprise a racheté la faute. Il n’est pas question d’être dur mais juste et voici pourquoi le reste de la reprise n’aurait pas dû permettre un score aussi élevé : la queue de Satchmo n’est pas tranquille dans les appuyers au trot, signe de raideur du dos, ni au passage, allure dans laquelle le cheval manque de tride, ni au piaffer. Les pirouettes au galop ne sont pas enthousiasmantes, car peu serrées et les postérieurs se montrant assez raides. Le pas allongé est très modeste. Enfin, les piaffers ne sont pas donnés sur place, mais en avançant de plusieurs mètres, ce qui facilite beaucoup l’exécution de cet air et diminue considérablement la difficulté de la transition au passage. Comment un cheval qui avance de 1m et plus au piaffer doit-il être noté ? La réponse n’est pas dans le Règlement puisque celui-ci prescrit que l’on doit voir le cheval manier sur place dans cet air. Et c’est bien normal, car ce n’est qu’ainsi que le cavalier montre qu’il maîtrise l’équilibre de sa monture dans l’impulsion et la soumission. Or, ce n’est possible que dans la légèreté, notion qui a disparu des rectangles. La compétition donne sur la façon dont sont travaillés les chevaux un éclairage sans ambiguïté. Doté d’une très grande sensibilité qui n’a d’égale que sa mémoire, le cheval qui a connu quelques déboires dans son dressage a toute chance de nous le rappeler en concours. C’est ce qu’a fait Satchmo dans le piaffer. « Il a retrouvé ses vieux démons », a expliqué sa cavalière. Les démons, ce sont tout simplement les défenses que l’animal a opposées à ses cavaliers au cours de son dressage. Et c’est sans doute parce que la FEI était assaillie de réclamations sur la brutalité dans laquelle étaient travaillés d’assez nombreux chevaux qu’elle a décrété que l’entraînement du cheval devait faire de lui un « athlète heureux, grâce à une harmonieuse éducation ». De la conviction ou une certaine hypocrisie opportuniste dans cette déclaration, vous jugerez ! Et l’embarras de cet organisme, quand il a fallu dire si l’hyperflexion de l’encolure était un procédé acceptable, vous aidera à trancher. Sur ce point le résultat, lui est évident et beaucoup de chevaux ne se présentent pas en épreuve la nuque en place. Je veux quand même dire toute l’admiration que j’ai pour la merveilleuse cavalière qu’est Isabell Werth et mon coup de cœur pour son magnifique cheval. Satchmo est ce qu’on appelle un cheval difficile, et il a fallu le courage et la persévérance de sa maîtresse pour qu’elle n’abandonne pas la partie en cours de son éducation. Ainsi se présente de nos jours la compétition de dressage : pour sacrifier à la mode qui privilégie le spectaculaire au détriment de l’art, on dresse de très beaux chevaux aux allures magnifiques et doués d’un excellent équilibre naturel. Très près du sang, ils ont un tonus élevé qui leur permet le brio, mais qui est souvent difficile a gérer, surtout le jour de l’épreuve quand le stress s’en mêle. Isabell Werth a sans doute voulu aller trop loin et elle a perdu, tout en gagnant la partie ! Coupable, madame Werth ? Non, victime du manque de rigueur des juges dans l’application de la règle du jeu. L’affaire Satchmo étend sur la discipline du dressage et sur le corps de ses juges un voile de discrédit dont elle se serait bien passée. Si cet incident ne conduit pas à une sérieuse mise au point de la FEI, les perdants seront la compétition, l’équitation, le cheval. A cet égard, la déclaration pessimiste de la présidente de la FEI sur l’avenir des sports équestres aux Jeux Olympiques, le 29 août, doit être prise très au sérieux.

CHEVAL MAGAZINE Oct 2008, rubrique « Réflexions d’un écuyer », page 17 Par Michel Henriquet   Réflexions olympiques   Le dressage est ou devrait être le tronc commun de toutes les équitations où l’équilibre est prépondérant. C’est ce qu’il fut et qu’il n’est plus. Il devrait être par la justesse de ses attitudes et la finesse de ses aides le modèle achevé pour tous les équitants. Discipline hermétique dans sa forme actuelle, elle ne se révèle dans sa beauté et, parfois, sa grandeur, que rarement. Les joutes olympiques, réunion des meilleurs mondiaux où chaque discipline se surpasse, devraient offrir quelques sublimes images et surtout écarter la médiocrité commune. La faible attraction du public se traduisait à Hong-Kong par nombre de sièges vides. Ressortissant autant du domaine de l’art que du sport, le dressage s’accommoderait parfaitement de la compétition si les excellentes règles qui le régissent étaient appliquées par les jurys telles qu’elles furent établies par le général Decarpentry et le général Von Holzing. Des premiers concurrents classés aux derniers, la qualité de la plupart des chevaux était remarquable mais un tiers de leurs cavaliers n’avaient rien à faire sur un rectangle olympique. Beaucoup des nations qui souhaitent participer n’ont pas toujours les traditions techniques ou les montures adaptées. Cela nous a valu des prestations affligeantes et parfois catastrophiques avec de superbes chevaux, manifestement dressés, mais montés par des cavaliers qui n’avaient pas achetés le mode d’emploi avec le cheval. D’autres se présentèrent avec de pauvres chevaux dénués d’aptitudes. Jamais cependant on ne vit d’aussi magnifiques sujets : modèles équilibrés avec des cadres superbes, mouvements somptueux, propulsions toniques et comportement coopératifs ; tous des produits des remarquables élevages du Nord de l’Europe. Sur six chevaux ibériques figurant parmi les concurrents, un seul méritait d’y être. On se demande comment certains couples obtinrent leur qualification. Encourageant et positif était de distinguer une dizaine de cavaliers dont la pratique discrète et légère ne cessait d’être juste, brillante, esthétiquement plaisante. Pour autant, ils ne figurent pas tous dans les premiers. L’observation attentive, notamment des piaffers et des passages, révélaient des rassemblers forcés par des rênes coulissantes et les compressions. Ceux-là marquaient leur suspension autant sur la main qu’au sol avec un branle de tête caractéristique et des crispations des diagonaux. Nos trois représentants eurent le mérite de maintenir la présence française dans la plus prestigieuse des rencontres mondiales. A signaler les commentaires justes mais diplomatiques du spécialiste et les réflexions déjantées des présentateurs.