Association pour la Légèreté en Equitation

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du Vendredi 19 Octobre 2018
Sous le patronage de la Commission nationale française pour l'UNESCO

A l'initiative de M. Bernard Maurel, responsable du département Documentation, doctrine et patrimoine équestres du Cadre noir et sous le patronage de la Commission Nationale Française pour l'UNESCO, se tenait le 19 octobre 2018 à l'ENE une journée de partage d'expériences ayant pour thème "La transmission internationale du patrimoine équestre du Cadre noir". 

Devant une prestigieuse assemblée, composée de personnalités du monde équestre et notamment d'anciens écuyers du Cadre Noir, l'Ecuyer en Chef, le colonel Patrick Teisserenc ouvrit cette journée en évoquant quelques grands noms de l'équitation française qui ont contribué à son rayonnement à travers le monde en citant d'éminents écuyers tels que Danloux ou Decarpentry.

Guillaume Henry fit ensuite une rétrospective historique magistrale de l'Equitation de Tradition Française en rappelant ses trois caractéristiques essentielles : finesse, élégance et sobriété.

Puis vint l'exposé de Bettina Drummond qui retraça l'influence de l'école française aux EtatsUnis, du XVe siècle à nos jours, en signalant en guise de conclusion, que cet immense pays était dans l'attente de représentants français du monde équestre qui n'osaient peut-être pas assez exporter leur savoir-faire.

Ce fut ensuite l'intervention de l'ancien Ecuyer en chef, le colonel Christian Carde qui, avec enthousiasme, raconta ses expériences dans les pays scandinaves en rappelant que cette équitation française, héritière d'un glorieux passé, était une équitation généraliste et pluridisciplinaire. Cependant, il déplora que l'équitation de compétition fût malheureusement de plus en plus victime de déviances portant préjudice à l'équitation classique. Et de conclure, avec la sagesse d'un écuyer de talent, que les exagérations du sport allaient à l'encontre du bien-être des chevaux.

Cette journée se poursuivit par l'ouverture d'un débat qui avait pour thème : "Comment s'exportent la pédagogie et l'enseignement équestre français ?" Pour débuter cet échange, Mathias Hébert, représentant la FFE, souligna l'originalité de l'équitation française par sa démocratisation et sa pluridisciplinarité mais aussi par sa capacité à exporter son savoir-faire pédagogique.

Pascale Boutet, cavalière et entraîneur internationale de concours complet évoqua son expérience en Chine en précisant l'importance des résultats sportifs et des propositions "clés en main" pour gagner la confiance des étrangers.

Le colonel Assonion, actuellement directeur de l’Ecole de Saint Cyr et connaisseur des actions de promotion à l’étranger comme ancien attaché d'ambassade, et François Fontaine, écuyer du Cadre Noir, firent part de leur expérience au Kazakhstan où l'attente et le respect de la tradition équestre sont toujours présents.

Félix-Marie Brasseur, initialement formé à Saumur, meneur Champion du Monde et entraîneur d'attelage réputé, actuellement en charge des équipes de France, évoqua l'importance de la notoriété de l'équitation française dans le monde ; il parla de la réputation d'un enseignant et formateur hors pair en la personne de Maître Couillaud, qui vit débuter de grands cavaliers comme Patrick Le Rolland et Hervé Godignon.

Le docteur vétérinaire Erik Grandière souligna ensuite la force de la tradition équestre française à travers sa diversité, l'Ecole Nationale d'Equitation demeurant un conservatoire de ce savoir-faire unique. Les actions à l'étranger étant encore des actes isolés, il lui semble urgent et nécessaire de mutualiser les aides afin de mieux accompagner les initiatives privées en partenariat avec l'UNIC et la FFE. Selon lui, la France se vend mal à l'étranger malgré la richesse, la diversité et la qualité de l'équitation qu'elle propose.

Le débat se termina par une remarque de Jean de Chevigny, ancien directeur de l’Unic, sur la nécessité que l’ensemble de la filière cheval, avec les courses, se présente unie. Mathias Hebert
conclut sur l’intérêt de ce travail en commun avec la Fédération.

La deuxième partie de la journée débuta sur le thème de l'accueil d'étrangers en formation à l'Ecole Nationale d'Equitation et des échanges européens. Nicolas Dugué, ancien écuyer du Cadre noir, retraça l'historique de la vocation internationale de Saumur à travers les différentes formations, d'abord réservées aux militaires, puis ouvertes aux civils depuis 1968, mais aussi la création de l'EURORIDE depuis 2005, qui propose un parcours des stagiaires dans un réseau d'écoles européennes. Jean-Michel Pinel, directeur de la formation à l'ENE, présenta alors l'Equestrian Educational Network créé en Suède en 1999 et réunissant onze écoles partenaires.

Ce fut ensuite l'intervention de Jean-Maurice Bonneau, entraîneur national de saut d'obstacles en France puis au Brésil et aujourd’hui intervenant un peu partout dans le monde qui évoqua, non sans une certaine passion et émotion, l'excellence des principes équestres français à travers la planète. Après un hommage très chaleureux au Général Durand et honorant la présence de son épouse dans l'assistance, il raconta avec sincérité ses rencontres avec les grands cavaliers internationaux, tel Nelson Pessoa, en soulignant l'importance des références de notre culture équestre qui, selon lui, n'a pas assez d'écho auprès des jeunes générations.

Invité prestigieux de ce colloque, l'Ecuyer en chef de l'Ecole Royale Portugaise, Joao Pedro Rodrigues, fit un exposé historique de cette école et de ses attaches fondamentales avec l'école  française depuis plusieurs siècles et notamment avec le Cadre noir, après le passage du colonel de Saint André à l'école militaire d'équitation de Mafra.

Ces échanges se poursuivirent par la prise de parole du Lieutenant-Colonel Gabriel Cortes, de la Garde Républicaine, qui rappela l'influence de l'équitation française en Russie depuis James Fillis après sa nomination comme Ecuyer en chef de l'Académie Equestre de St Petersbourg. Cet incomparable écuyer, après avoir imposé son style depuis le XIXe siècle, a laissé son empreinte jusqu'à la consécration olympique de la Russie sur les rectangles de dressage dans les années de 1960 à 1980.

Enfin, pour terminer cette belle et riche journée, plusieurs intervenants d’une importante délégation iranienne retracèrent l'histoire du Colonel Esmaïl Nechati qui, après son passage au
Cadre noir de Saumur, fit rayonner l'équitation française dans son pays à tous les niveaux de la société en instituant une véritable pédagogie de "l'équitation à la française" selon ses propres mots. Après sa disparition précoce suite à un accident, il laisse la marque d'un grand monsieur qui fait encore aujourd'hui l'admiration de jeunes cavaliers présents à ce colloque et qui en ont témoigné avec beaucoup d'émotion.

Après cette journée très intense mais non moins passionnante et riche d'échanges, ce fut le temps des grands témoins et des conclusions.

Jean de Chevigny, directeur de l'UNIC, prit la parole en tant qu'ambassadeur de la filière équine à l'étranger. Mettant au premier plan la valeur de l'exemple et de l'incontournable concept de "l'homme de cheval", il rappelle la nécessité de transmettre aux jeunes générations les expériences du passé afin de les aider à préparer le futur.

Mathias Hébert reprit ensuite la parole au nom de la FFE pour souligner que l'équitation, par sa rigueur intrinsèque, est aussi un outil pédagogique d'émancipation de l'être humain.

Enfin, tout comme il avait commencé, l'Ecuyer en chef, le colonel Patrick Teisserenc, clôtura cette journée. Afin de répondre aux inquiétudes de quelques personnes de l'assemblée concernant l'avenir du Cadre noir, il a rappelé, de façon pragmatique, la solidité de "la maison" qu'il ne faut pas assimiler, avec à priori, à une entreprise de spectacle. Tel un édifice, a-t-il précisé, son socle est constitué par les chevaux, le toit par l'Equitation de Tradition Française soutenu par quatre piliers indissociables : la formation, la recherche, les présentations publiques et la compétition sportive.

C'est sur cette note optimiste que s'est achevée cette journée, très riche à tous points de vue et qui conforte la très bonne image de l'équitation française à l'étranger. Malgré une conjoncture difficile de la filière équine, il n'est pas douteux que l'Equitation de Tradition Française a encore de beaux jours devant elle et qu'il est important de pérenniser ce savoirfaire séculaire et précieux. Le Cadre noir en demeure le garant et il n'est que pour preuve la compétence et la passion de tous les intervenants de cette journée qui ont partagé leurs expériences parfois inédites mais toujours enrichissantes. On pourrait résumer en quelques mots ce colloque en énumérant dans le désordre : émotion, sincérité, grandeur, élégance, sobriété, enthousiasme, respect et peut-être enfin sagesse !

Puisse cette si belle initiative avoir un écho favorable et constructif auprès des arcanes du pouvoir afin d'assurer la continuité et le rayonnement de l'art équestre français qui demeure à tout jamais un patrimoine vivant et en perpétuelle évolution.

En guise de conclusion, il n'est pas inutile de rappeler qu'un tel colloque s'inscrit parfaitement dans le cadre du suivi de l'inscription de l'Equitation de Tradition Française au Patrimoine Culturel Immatériel de l'UNESCO et comme l'écrivait simplement Nuno Oliveira : "Il faut beaucoup monter à cheval sans laisser les livres se couvrir de poussière sur les étagères", ce qui pourrait corroborer le lien indissociable du savoir et du savoir-faire …

                                     Alain FINES 03/11/2018