Le cheval miroir de nos émotionsLa rencontre avec l’auteur à Equita’Lyon sur le stand d’Equilivres m’a incité à continuer d’approfondir le sujet de la relation humain-équidé. Et la lecture de ce petit ouvrage, édité voici déjà 12 ans, s’est avérée passionnante.

Déjà dans la préface de Jacques Garciaz, un paragraphe m’avait « tapé dans l’œil » : « Le marin appelle « écoute » le cordage qui permet à la voile de régler son allure. En équitation, le cavalier et le cheval communiquent par les « aides ». Les « aides » et les « écoutes » sont du domaine de « l’art ». Cela s’acquiert peu à peu, disaient nos professeurs à l’école d’éducateurs, cela s’apprend par une relation de confiance et de respect mutuel. Un art modulé sans cesse, fait de don, de disponibilité, de souci permanent d’empathie, d’écoute, de réponses et de chaleur humaine.» On se dit en lisant ces quelques lignes qu’Isabelle Claude va nous emmener sur un territoire que le monde du cheval ne fréquente guère…

D’ailleurs l’auteur attaque d’emblée pour nous alléger de quelques certitudes (p18) : « Ce livre est une invitation au voyage. Ne le lisez pas sérieusement mais arrêtez-vous ! Prenez-le dans n’importe quel « sens », dans n’importe quel ordre ; il ne contient aucune recette et, je l’espère, aucun jugement. » Son objectif est de nous remettre les idées en place car, dit-elle (p19) : « La compréhension n’est plus une affaire de personne mais de commerce et de justification sociale. »

Dès le premier chapitre intitulé « Cette curieuse relation avec le cheval », il y a de quoi nous intéresser. J’ai trouvé très utile le « pas touche !» qu’il faudrait expliquer à tous ceux qui « manipulent » les chevaux sans avoir établi un premier contact digne de ce nom … Le chapitre 2 « Décalage et communication » est basé sur les 5 sens du cheval ( cf le livre de Michel-Antoine Leblanc « Comment pensent les chevaux » aux éditions VIGOT). Isabelle Claude rappelle que la vue et l’ouïe sont pour lui les plus importants ; et, comme je le dis toujours, que les chevaux comprennent beaucoup plus de choses que ce qu’on pense. Dans le chapitre 3 « Carpe Diem », non contente de citer Horace (65 avt JC), l’auteur éclaire la sagesse de l’animal, qui vit dans l’instant ; passé, présent et avenir, cela le concerne-t-il vraiment ?

De quoi apprendre dans les chapitres suivants même si (p74) le « beaucoup donner, peu demander, attendre et surtout aimer » est une vraie clé de compréhension des chevaux à problèmes ! Et elle rappelle (p74): « Nous demandons l’acquis avant l’apprendre »… Ou encore : « Le cheval nécessite de la part de qui veut s’en approcher et s’en occuper une combinaison impressionnante de plusieurs facteurs tant physiques (adaptation corporelle permanente) que psychiques (émotion, affectivité) ou cognitifs (capacité à apprendre). » Pour les publics d’enfants à problèmes dont Isabelle Claude s’est occupée, garder une brosse dans la main pouvait être une difficulté. Son expérience professionnelle lui permet aussi d’utiliser un vocabulaire précis. Et s’il ne l’était pas assez, des notes de bas de page viennent dès qu’un mot apparait comme « scientifique » pour nous, éclairer sur son sens exact.

Je vous recommande le chapitre 6 « Le cheval miroir » qui finit sur la notion de respect. Quant au chapitre 7, il est consacré aux émotions (de l’humain … et du cheval), bien utile pour essayer de les reconnaitre (et de les comprendre ?). Le chapitre 8 « Une autre approche du soin » explique comment laisser le choix ; comment tisser des liens pour ne pas « aliéner » … L’auteur a ainsi contribué à améliorer le comportement de nombre d’enfants dits difficiles. Et le chapitre 9 illustre ce qui peut être hasard des choix … ou non !

Le titre du chapitre 10 est « Une rencontre de soi » et résume l’accueil de détenus, volontaires, sur 2 jours et la communication qui s’établit autour des chevaux : chapitre plein d’émotions. Le chapitre 11 « J’ai mal à mon cheval » aborde le sujet des problèmes de santé ou de comportement des chevaux, toujours vus sous l’angle de la relation humain-animal, et des soucis de vie ou de compétence qu’elle induit. Le dernier chapitre « Ressenti corporel » met en avant la différence entre technique équestre et compréhension du cheval. L’expérience d’Isabelle Claude avec des handicapés physiques lui permet de clarifier les notions de relâchement et de tonicité. Elle nous aide à enlever le mot « domination » de notre vocabulaire, comme l’avait fait pour moi Guillaume Henry éditeur à l’époque du « Cheval Juste ». Et elle est comme moi une fan de l’équitation centrée, ouvrage de Sally Swift initiateur de réflexion sur la position et le fonctionnement du cavalier à cheval pour beaucoup d’entre nous. L’auteur surtout explique clairement la priorité de l’assiette (bassin, fesse, cuisse, jambe), puis dans la progression la nécessité d’avoir le cheval devant soi (mains, épaules, coudes, poignets), et enfin l’absolu besoin de sentir … et de s’adapter à chaque cheval.

La conclusion rappelle simplement la diversité des cultures … équestres ! A méditer, selon son propre profil, et celui de ses chevaux !
                  B M 05/12/2022